Col du Lautaret, quand l'agriculture modèle le paysage

Publié par communication CNRS Alpes, le 7 août 2024   190

Cet article a été réalisé dans le cadre de la Journée pastoralisme organisée le 8 juillet 2024 par le CNRS Alpes et le Jardin du Lautaret, en partenariat avec le Laboratoire d'écologie alpine et le Parc national des Écrins autour du projet de recherche TOP.

C’est une tradition depuis de nombreuses décennies, la transhumance des troupeaux au col du Lautaret. Si le pastoralisme en alpage était principalement une activité locale, d’autres éleveurs ont petit à petit adopté cette pratique avec le développement des routes et des moyens de transport motorisés.

Par alpage, on entend unité pastorale, située en montagne et utilisée par les bergers trois mois dans l’année. Ce type de pastoralisme présente de nombreux avantages pour les agriculteurs, grâce à un accès à de la nourriture abondante et à moindre coût pour leurs animaux (pâturage, fauchage). Dans le secteur du col du Lautaret, les alpages appartiennent principalement à l’État ou aux communes, qui les louent aux éleveurs. Sur place, c’est le berger qui s’occupe des bêtes quotidiennement et qui demeurent avec elles dans les alpages.

Une demande forte des éleveurs

Les alpages représentent environ 40 % du territoire du Parc national des Écrins (PNE) et sont composés d’environ 200 unités pastorales. Ils accueillent chaque année de nombreux animaux : entre 110 à 120 ovins, 5 et 6 000 bovins, ou encore des chevaux et ce, sur un total de près de 100 000 ha ! La demande de la part des éleveurs est telle que les troupeaux que nous croisons au col et aux alentours proviennent non seulement d’élevages locaux, mais aussi de plus bas dans le département, voire des Bouches du Rhône.

Alpage du col du Lautaret, au-dessus du sentier des crevasses © CNRS Alpes

Bien que les pratiques aient évolué, le pastoralisme en montagne demeure avant tout une histoire de valorisation de la ressource. L’utilisation des alpages au cours de la saison se fait en fonction de la croissance des plantes, de la fonte de la neige, du type d’écosystème, du type d’animal, etc. À titre d’exemple, une vache a besoin de 6,5 plus d’espace qu’une brebis et mange les végétaux à différents stades de croissance, là où les ovins auront plutôt tendance à trier et à consommer uniquement les jeunes pousses. Quant aux prairies qui s’avèrent trop pentues pour les troupeaux, elles peuvent faire l’objet d’un fauchage, afin de récupérer le foin pour les animaux.

Col du Lautaret, plutôt prairie ou forêt ?

Les interventions humaines, qu’elles soient de type pâturage ou fauchage, ont donc un impact sur le paysage et la biodiversité. En l’absence de perturbation, le paysage du col du Lautaret serait plutôt celui d’une forêt. Les milieux ouverts sont un héritage, les pratiques actuelles étant différentes de celles pratiquées initialement.

Sur le versant exposé au Nord (ubac), les ligneux, c’est-à-dire les arbustes et les arbres, étaient peu présents, du fait du fauchage et de l’entretien par les bergers, ainsi que du pastoralisme. En broutant, les animaux retardent en effet l’installation des ligneux. Actuellement, la présence de nouvelles espèces comme l’aulne glutineux, témoignent de ces changements de pratique.

Fétuque paniculée © Jardin du Lautaret

Les pratiques pastorales en montagne ont également un impact sur la biodiversité. Les prairies de l’ubac sont riches d’un point de vue végétal, avec 60 à 70 espèces différentes ! Pourtant, sans alpages dans le secteur du col du Lautaret, une espèce prendrait le pas sur les autres : la queyrelle, ou fétuque paniculée ! Cette graminée précoce est consommée par les brebis quand elle est encore tendre. Une fois qu’elle a grandi, elle devient plus dure et les animaux ne la mangent plus. Le fait de faire pâturer des brebis dans ces prairies permet sa régulation et à d’autres espèces de pousser à leur tour. La gestion des alpages demande donc de la part des acteurs de combiner l’accès aux ressources naturelles pour les éleveurs et le maintien de la biodiversité.

_ _ _

👉 Aller plus loin :

- Projet ANR TOP

- Les alpages

- Préserver le pastoralisme dans le Parc national

- Alpages sentinelles – Comprendre le changement climatique et ses conséquences en alpage

_ _ _

Cette journée était animée par Philippe Choler, chercheur CNRS au Laboratoire d’écologie alpine (LECA), Rémy Perron, doctorant CNRS au LECA et Muriel Della-Vedova, chargée de mission agriculture au Parc national des Écrins.

Cette journée, cet article et ce projet de recherche ont été financés tout ou partie par l’Agence nationale de la recherche.

Crédit image d'en-tête : Serge Aubert/CNRS Images