Censure croissante sur Internet : Russie et Europe, même combat ?
Publié par Yannick Chatelain, le 22 juillet 2023 790
Par CHATELAIN YANNICK Professeur Associé chez GRENOBLE ECOLE DE MANAGEMENT GEMinsights Content Manager, Chercheur Associé à la chaire DOS.
Alors que la Russie intensifie ses efforts pour contrôler Internet et réprimer la dissidence en ligne, l’Europe emprunte une voie similaire en cherchant à réguler les réseaux sociaux et à censurer les contenus jugés problématiques. Yannick Chatelain s’interroge sur la protection des droits fondamentaux et de la démocratie.
Ici le Kremlin
Déjà en 2019, le Kremlin annonçait le succès des premier pas de son projet Runet visant à contrôler les données transitant par la Russie, et tendre vers l’efficience d’un « Internet National », rejoignant les pays engagés dans ce qui a été nommé le « splinternet » (contraction de « splintering of the Internet », ou « cyberbalkinisation » de l’Internet), à savoir, un éclatement et une division progressive de l’Internet par certains pays comme l’inde, la Chine, l’Iran, la Corée du Nord, etc.
Chaque pays engagé dans ce phénomène de fragmentation de l’Internet originel le fait en raison de divers facteurs : technologie, commerce, politique, nationalisme, religion, intérêts nationaux divergents.
En Russie, sous couvert de « souveraineté numérique, autant dire que le projet de création du Runet ne va pas véritablement dans le sens de la liberté d’expression et d’opinion.
Si le sénateur Andreï Klichas évoquait une « loi sur la sécurité et la résilience d’Internet en Russie », elle n’était pas perçue de la même façon, ni par les observateurs ni par les opposants à la gouvernance de Poutine. Ces derniers évoquaient de leur côté une « loi de l’isolation d’Internet », l’édification programmée d’un « rideau de fer numérique » équivalent au Grand Firewall de Chine (GFC).
La même année amenant une nouvelle pierre à ce projet, une loi russe promulguée par le président Vladimir Poutine sanctionnait « toute offense faite à l’État ».
Accélération du projet Runet
Le projet Runet s’est encore accéléré avec la guerre en Ukraine.
Depuis le 4 mars 2022, une loi adoptée par les députés russes prévoit jusqu’à quinze années de prison pour la publication « d’informations mensongères » sur l’armée russe. L’objectif de cette loi est clair : empêchez toute diffusion non conforme à la version officielle.
Elle avait alors provoqué une réaction forte de l’ONG Reporters sans frontières. Pour son secrétaire général, Vladimir Poutine était « en train de mettre son pays sous cloche ». L’ONG s’inquiétait de voir resurgir « une forme de contrôle des médias presque totalitaire, comme au temps du stalinisme ».
Pour corroborer ses propos, si des doutes subsistaient encore, le 22 mars 2022, toujours plus avant dans la censure, les députés russes validaient une nouvelle loi venant renforcer la précédente, une loi prévoyant de lourdes sanctions pour punir les « informations mensongères » sur l’action de Moscou à l’étranger. Autrement dit, toutes les informations ne coïncidant pas avec les informations officielles.
Ici l’Europe
À trop observer les agissements de la Russie relatifs à un contrôle et une censure de plus en plus poussés des réseaux sociaux, et en s’en inquiétant, il serait raisonnable que nous nous intéressions aux pratiques de l’Europe qui, de mon point de vue, s’engage sur un terrain bien hasardeux concernant internet.
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