“C’est dans la Pocket” : récit de la création d’un jeu sur les mines namibiennes

Publié par Mélie Radufe--Blanc-Mathieu, le 29 septembre 2024   200

À vos marques…prêts…partez ! C’est un peu l’effet d’un hackathon.

Vous en avez déjà entendu parlé ? Contraction de “Hack” et de “Marathon”, ces deux termes résument bien ce que nous avons vécu pendant 4 jours en ce début de septembre. L’idée était d’innover et de proposer une solution à une problématique (“hacker”) dans les plus brefs délais, sur une période de temps sans interruption (tel un marathon). 

C’est ainsi que nous, étudiant.e.s en deuxième année de master Communication et Culture Scientifique et Technique de Grenoble, nous nous sommes rendus à Chambéry pour travailler avec la Galerie Eurêka, la plus grande CCSTI de Savoie, et le laboratoire EDYTEM. Nous avons œuvré à mettre en lumière leurs recherches portant sur la Namibie, les mines artisanales et leurs enjeux sociétaux. 

Étape 1 : Découverte du sujet - Empathie et définition

Lundi 9 septembre 2024

Matin.

L’objectif pour les jours à venir est encore flou dans nos esprits, mais nous savons que nous allons devoir répondre à une problématique de communication scientifique et présenter, en équipe, un projet qui y apportera une solution, dans un délai de 4 jours intenses.

Nous rencontrons le directeur de la galerie, Jean-Yves Maugendre, qui nous présente le lieu et ses objectifs. Il nous présente ensuite les publics visés pour notre projet : des adultes et un public familial et lecteur. Nous prenons tout en note, problème : nous ne savons toujours pas sur quoi ce fameux projet va bien pouvoir porter ! Notre professeure Laura Schlenker a fait attention à conserver le mystère entier ! 

Maintenant, place à l'organisation de la promo ! En 5 min, les équipes sont faites. C’est la naissance de notre équipe, “Les Boucles”, composée de Mélie Radufe, Alexandre Roselet, Francisco R. Cebreros, Loriane Koelsch et Louna Briand. Nous nous organisons aussi avec les 3 autres équipes pour la répartition des tweets à réaliser pour couvrir cet hackathon pendant toute sa durée. 

Nous nous initions à une technique de gestion de projet que nous allons utiliser pendant ces 4 jours : le design thinking, un processus de conception centré sur l'utilisateur, avec différentes étapes :

  1. Empathie
  2. Définition
  3. Idéation
  4. Prototype
  5. Test

Le projet commence donc par la création d’un persona, représentant l’utilisateur.rice type de notre futur dispositif. Il nous permettra de nous mettre à sa place et mieux cerner ses attentes et ses besoins. Mais avant ça, la prochaine étape pour nous sera la pause-déjeuner ! 

Après-midi. 

C'est la reprise, on redescend dans la galerie pour rencontrer Mélanie Duval (USMB - CNRS) et Marie Forget (USMB), toutes deux géographes au laboratoire EDYTEM, ainsi que Hugo Quemin (USMB) et Antoine Latarge, chercheurs-doctorants.

Nous découvrons enfin le sujet de ce hackathon : la scénarisation et le prototypage d’un dispositif de médiation ayant pour sujet leur projet de recherche autour des mines artisanales de Namibie. Ils nous présentent ainsi le projet Géoextour, de sa création jusqu’aux problématiques actuelles, en passant par leurs recherches sur le terrain, à la rencontre des mineurs artisanaux de Namibie. La Namibie, c’est ce pays 1,5 fois plus grand que la France situé juste au-dessus de l’Afrique du Sud, en bordure de l’océan Atlantique. La présentation est riche et les nombreuses photos nous permettent de visualiser ce monde que nous découvrons. En quelques heures, nous apprenons l’existence de peintures rupestres en très grand nombre. Nous découvrons différentes pratiques de minage artisanal en Namibie, les modes de vie et d’organisation des mineurs ainsi que les tensions existantes entre les différent.es acteur.ices de ces mines et la face post-coloniale de la société namibienne.

Nos cerveaux fument après avoir reçu tant d’informations. Mais la journée n’est pas finie ! Direction l'hôtel pour continuer à travailler et établir une problématique. Chaque équipe propose les siennes sur de petits post-its. Nous nous réunissons et là… Impossible de choisir une problématique commune. Le travail attendra demain, il est l’heure de la raclette.

Étape 2 : L’intelligence collective au service du projet - Idéation

Mardi 10 septembre 2024

Matin.

Aujourd’hui est un nouveau jour, et après le petit-déjeuner, et des exercices de réveil, nous trouvons la problématique : “Comment raconter l’origine de nos pierres semi-précieuses dans leur contexte économique, social et écologique ? L’exemple de la Namibie”. Une bonne chose de faite ! 

Il est maintenant temps de regarder et de s’inspirer de ce que nos camarades des années précédentes ont pû faire lors de leurs propres hackathons. On se sépare et on fouille dans les vieux dossiers. *kfeuh kfeuh* Au bout d’une demi-heure, nous mettons nos observations en commun. Il faut quand même admettre qu’iels ont fait du beau boulot. 

À notre tour de proposer nos idées. Chacun.es y va de ses petits post-it et de ses grandes idées. Nous mettons tout en commun, les post-it sont organisés, classés et triés pffiou.

Après-midi.

Retour dans la Galerie Eurêka. Il est l’heure de choisir les projets qui vont être mis en place. Nous ressortons nos petits post-it bien organisés et votons pour nos favoris à l’aide de deux gommettes chacun.es : l’une pour le choix du cœur et l’autre pour le choix de l’esprit. Les quatre idées les plus populaires émergent : un tunnel immersif, un jeu de société, une exposition et un bac à fouille.

Ainsi “Les Boucles” ont enfin choisi leur dispositif : un jeu de société. Il est temps de s’y mettre, mais avant, il va falloir trouver où travailler et rapidement : dans une heure, nous devons présenter nos idées et notre ligne directrice. Nous nous installons à la médiathèque avec des jeux de société, ce sera parfait pour nous en inspirer et brainstormer. 

Il est maintenant temps de faire une première présentation de nos idées aux chercheuses, aux chercheurs-doctorants et au directeur de la galerie. Les groupes passent les uns après les autres, mais c’est à nous de commencer. Le titre de notre jeu, “C’est dans la Pocket”, fait fureur en raison du parallèle avec les formations géologiques rares remplies de pierres semi-précieuses (les pockets) très prisées par les mineurs namibiens. En revanche, les chercheuses sont peu convaincues par notre mécanique de jeu centrée autour du prix des pierres. Il va falloir trouver mieux.

Direction la gare pour rentrer à la maison. Au revoir Galerie Eurêka.

Étape 3 : Carton, peinture et ciseaux - Prototype 

Mercredi 11 septembre 2024

Matin.

Retour à l’Institut de Communication et des Médias. Nous commençons à nouveau la journée par de petits exercices, avant de reprendre le travail avec une mise en commun des idées qui ont émergé pendant la nuit. Comme le délai est très court, il est important d’être dans l’acceptation, c'est-à-dire accepter les différentes idées et les tester. Alors tout le monde y met de la bonne volonté. 

Finalement, notre jeu s’inspirera du jeu de l’oie et des petits chevaux, en incorporant des cartes et des événements. Tout un programme ! 

Nous nous répartissons les tâches : 

  • Louna au dessin du plateau 
  • Francisco au design des cartes 
  • Loriane à l’écriture des règles du jeu
  • Mélie à l’écriture du contenu des cartes
  • Alexandre en appui sur tous les fronts, à l’étude du budget et à la meilleure façon d’intégrer le jeu à la galerie

Après-midi. 

Nous passons le reste de la journée à prototyper, dessiner, couper, écrire, effacer et réécrire, sans oublier de communiquer régulièrement sur les points de détails des règles du jeu. 

Pour impliquer les joueurs et que le jeu ait un fort ancrage local à la galerie Eureka, nous décidons que les joueurs auront pour objectif de suivre le chemin d’une pierre semi-précieuse de la Namibie jusqu’au marché de Chambéry. Ce chemin sera rythmé par des événements liés à la réalité du terrain et aux problématiques économiques, sociales et environnementales du minage artisanal. Il y aura donc des cartes négatives “Morsure de serpents !”, “Conflit avec le propriétaire du terrain”, “Chute de pierres” qui feront perdre du temps, mais aussi des événements positifs tels que “Chien de garde” ou “Travail d’équipe”. Ces événements ont été validés par Hugo Quemin, un des doctorants du projet, pour être sûr qu’ils reflètent la réalité du terrain. Même si la journée passe rapidement, nous avons le temps de bien avancer dans nos réflexions et notre prototype. 

Il nous reste moins de 24 heures pour finaliser notre prototype.

Étape 4 : Présentation finale - Test 

Jeudi 12 septembre 2024

Matin.

C’est le grand jour des présentations. Après nos traditionnels exercices et un dernier coup de ciseaux à nos cartes, imprimées la veille au soir, nous faisons tester notre prototype à une autre équipe. Trois joueuses, deux tours chacune, cela nous aide à régler les derniers détails avant la représentation finale. Nous faisons le choix de ne faire tester que le début du parcours pour que notre jury puisse se rendre directement compte de l’intérêt potentiel du jeu.

Après avoir été à notre tour les testeurs d’une autre équipe, nous nous réunissons tous pour décider de l’ordre de passage et délivrer un narratif et une présentation cohérente des 4 projets. 

Après-midi.

À 14 h, Louna accueille les membres du jury, chercheures, chercheur-doctorants, directeur de la Galerie Eurêka et enseignants ainsi que les étudiantes et étudiants en première année de master CCST. Elle les invite à visiter et découvrir les dispositifs des quatre groupes créés pendant ce hackathon. 

Tout commence avec une exposition retraçant le trajet de nos bijoux, du marché à la mine. La présentation se poursuit dans le tunnel immersif où le jury peut laisser sa marque comme sur un site d’art rupestre, et continue avec la démonstration d’un bac à fouille mettant en scène une grand-mère et son fils cherchant des pierres dans le bac. Et enfin : notre passage. 

En bon joueur, Alexandre propose à deux volontaires parmi les membres du jury de jouer à “C’est dans la Pocket”. Mikaël Chambru, responsable pédagogique du master, et Mélanie Duval ne se font pas prier, et viennent au-devant de la scène pour commencer une partie sur notre prototype. Mélie pose le contexte, Loriane explique les règles du jeu et c’est parti. Les trois joueur.euse.s choisissent la pierre qui les représentera pour cette partie, puis le jeu commence et tous trois tentent de remporter une pierre semi-précieuse, indispensable pour atteindre la deuxième moitié du plateau. Grâce à énormément de chance (et un peu de triche), Alexandre arrive à remporter la carte “Big Pocket” qui lui confère, comme un mineur namibien, un nombre conséquent d’avantages. C’est à ce moment que nous stoppons le test de notre prototype et remercions les valeureux volontaires. Lors de cette phase de test, les joueurs se sont pris au jeu et ont été surpris de l'avancée du projet en si peu de temps.

Louna explique alors comment nous imaginons la suite du jeu et notamment la seconde partie sur l’exploitation des pierres. Francisco explique quant à lui comment nous avons imaginé l’articulation de ce jeu avec la Galerie Eurêka avec un potentiel budget. 

Après quelques questions du jury sur la mise en œuvre des dispositifs au sein de la galerie et leur viabilité, il est à présent l’heure de terminer ce hackathon. Peut-être que notre projet sera repris un jour, peaufiné par la Galerie Eurêka, et qui sait, il sera possible de trouver à l’accueil une boîte sur laquelle il sera inscrit “C’est dans la pocket !”.

Clap de fin.

Article rédigé par : Alexandre Roselet, Francisco R. Cebreros, Loriane Koelsch, Louna Briand et Mélie Radufe