Au détour d’une comète : la mission Rosetta avec Wlodek Kofman
Publié par Marjorie Bison, le 24 septembre 2014 4k
La sonde Rosetta... La comète Churyumov-Gerasimenko... Ces noms vous intriguent ? Nous avons rencontré Wlodek Kofman, un des responsables de la mission Rosetta, en poste à l’IPAG, qui nous parle de sa carrière et de ses recherches.
Wlodek Kofman est directeur de recherche au CNRS à l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (IPAG). Il participera à la session "Rosetta, premier rendez-vous avec une comète" le samedi 11 octobre à 15h10, sur le campus de Saint-Martin d'Hères, dans le cadre des Fondamentales du CNRS.
Après avoir obtenu une thèse en 1972 à Grenoble dans la discipline du traitement du signal, il se réoriente en physique pour étudier les couches supérieures de la haute atmosphère. C’est dans le cadre de l’association scientifique européenne EISCAT qu’il participe à la construction de radars en zone aurorale visant à explorer l’ionosphère et la thermosphère, soit des zones de l’atmosphère situées entre 80 et 200 km de distance de la surface terrestre. En 1990, Wlodek Kofman change une nouvelle fois de cap et se consacre à la planétologie, domaine dans lequel il travaillera jusqu’à maintenant. Il commence d’abord par participer à des nombreux projets dont celui du radar MARSIS, actuellement en orbite autour de Mars, qui a été le premier à permettre la création de cartes du sous-sol martien, étudiant la présence de glace sur la planète.
Face aux succès réalisés par la sonde Giotto dans l’étude de la comète de Halley (fin des années 1980), l’Agence Spatiale Européenne (ESA) décide d’envoyer une nouvelle mission. Dans ce cadre, Wlodek Kofman propose à l’ESA, en collaboration avec d’autres chercheurs, un système qui permettrait d’étudier l’intérieur de la comète Wirtanen par le sondage en utilisant les ondes radio (expérience CONSERT). En 1994 commence alors la préparation et la construction de la sonde Rosetta équipée d’un atterrisseur nommé Philae. En même temps la construction de l’instrument CONSERT commence. Elle est dirigée par Wlodek Kofman et est construite par son équipe de l’IPAG, le laboratoire LATMOS (Laboratoires Atmosphères, Milieux, Observations spatiales) à Paris ainsi que le laboratoire Max Planck en Allemagne (Göttingen) « C’était une période où je passais beaucoup de semaines à Paris et en Allemagne ! » s’amuse-t-il à me raconter.
En 2002, la sonde est prête à être envoyée. Cependant, des problèmes sur Ariane 5 décalent de 2 ans le départ de Rosetta. Trop tard pour suivre la comète Wirtanen ; il faut donc trouver une autre cible à étudier et dont l’atterrisseur pourrait s’y poser « facilement », avant que Rosetta n’entame son voyage dans l’espace. Churyumov-Gerasimenko est choisie. 10 ans plus tard, soit le 20 janvier 2014, Rosetta se trouve dans les parages (environ 9 millions de kilomètres) de la comète. Les premières photos sont prises et c’est alors la surprise. « Les modèles de comète n’étaient pas corrects. La forme de la comète est totalement différente de ce qui était attendu. Seule la période de rotation est exacte » explique Mr Kofman. Début août, Rosetta a entamé sa phase de mise en orbite autour de la comète.
Précédemment, de nombreuses discussions au cours desquelles ont participé activement Wlodek Kofman et six chercheurs et ingénieurs de son équipe, ont permis de sélectionner les cinq meilleures zones potentielles d’atterrissage de Philae, choisies en partie en fonction du relief et de l’exposition solaire. Les 13-14 septembre 2014, les deux meilleurs sites seront décidés [ndlr : ce sont finalement les sites J et C qui ont été sélectionnés]. « Nos propositions, venant de l’instrument CONSERT, comptent environ 25% dans la prise de décision, mais les raisons techniques contraindront le choix final de la zone d’atterrissage ». L’atterrisseur Philae se posera sur la comète le 11 novembre 2014 et y fonctionnera entre 3 et 6 mois jusqu’à atteindre la « mort thermique » dû au rapprochement de la comète vers le soleil. Onze expériences seront réalisées par des instruments scientifiques composant l’atterrisseur, notamment des photographies des paysages de la comète, des forages, des analyses chimiques et isotopiques du sol, des mesures de température, de flux de chaleur, etc. « C’est une réelle prouesse technique étant donné que tout a été construit il y a plus de 10 ans » rappelle Wlodek Kofman.
A la question « Que reste-t-il à découvrir ? », le chercheur propose : « tout sur la composition, la formation et l’évolution des comètes ». En effet, c’est la première fois qu’une comète est étudiée à long terme à une si proche distance. C’est aussi la première fois que les astrophysiciens analyseront des données aussi précises sur ces corps grâce aux mesures in situ. Enfin, ces informations permettront de découvrir la structure interne de ces astres ainsi que comprendre leur formation. De manière plus générale, l’étude de cette comète permettrait aussi de mieux comprendre la formation du système solaire.
>> Crédits : ESA–J. Huart, 2013, ESA - Jürgen Mai, ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA, ESA–J. Huart, 2013