Atelier CST #16 : Mettre les sciences en jeux
Publié par L'Ouvre-Boîte - Université Grenoble Alpes, le 9 février 2023 2.2k
À l’occasion d’événements tels que la Fête de la science, de rencontres avec des publics scolaires ou encore de visites de laboratoire, utiliser un jeu comme support de médiation peut être un moyen original de partager les sciences et la recherche. Mais comment allier les dimensions ludiques et pédagogiques ? Pour tenter de répondre à cette question, nous avons eu le plaisir d'accueillir Florian Delcourt, responsable de l'ingénierie culturelle chez S[cube], pour un atelier combinant mises en pratiques, jeux et théorie !
Une journée pour se questionner sur le médium que peut être l’expérience ludique pour la médiation scientifique, mais aussi sur la méthodologie de création et d’évaluation d’un outil de ce type. Les participants ont ainsi profité d’une succession de temps pratiques et d’apports théoriques, s’appuyant sur les retours d’expériences de l’équipe associative de S[cube] dans la mise en place d’expériences ludiques sur des thématiques scientifiques.
Basée en Ile-de-France Sud et soutenue par de nombreux acteurs du Plateau de Saclay en Essonne (91), l’association œuvre à partager les sciences sous de nombreuses formes pour aller à la rencontre des publics les plus divers possibles. De cette démarche ont découlé une réflexion sur l’usage des jeux dans des dispositifs de médiation scientifique et la mise en œuvre de projets originaux parfois en collaboration avec des éditeurs majeurs du secteur ludique (Asmodee, Repos Prod, Lucky Duck Games ou encore Le Droit de Perdre) et leurs auteurs.
Et si on commençait par jouer ?
L’atelier a débuté autour de quatre expériences ludiques créées par S[cube]. Chaque tablée, partenaires de jeu éphémères, ont pu découvrir des jeux sur les intelligences artificiels GAN, l’évolution, la mise en débat des technologies d’IA, les idées préconçues sur des sujets sociétaux et environnementaux ou encore sur les êtres vivants dans le sol.
L’objectif ? Jouer en premier lieu, puis tenter de définir les caractéristiques de ces jeux. La mise en commun a permis de dégager les contraintes de création (public cible, temps de jeu, lieu de jeu) mais aussi de commencer à relever ce qui peut définir une expérience ludique. L’occasion aussi de raconter l’histoire de la création de chacun de ces jeux et des collaborations mises en place avec les éditeurs, auteurs et des scientifiques.
Face à cette diversité de propositions, une question se pose assez naturellement : qu’est-ce qu’un jeu finalement ? Collectivement, puis en y associant de nombreuses définitions provenant de travaux scientifiques, nous avons pu lister un ensemble d’éléments qui semblent donner le contour de ce qui constitue un jeu.
Extrait de la présentation de Florian Delcourt : quelques éléments de définition du jeu.
Mais aucune définition ne sera jamais parfaite. Face à ce constat, un postulat est proposé : si analyser la proposition ludique à la lumière de ses définitions est nécessaire, elle doit surtout être analysée par le biais de la réception de son public. Car ce qui fait un jeu, c’est d’abord le fait que le/les joueurs adoptent une attitude ludique face à l’objet qui est proposé, et donc que cet objet corresponde aux représentations de ce qui fait jeu pour ce public défini. Si un hochet a un potentiel ludique certain pour un enfant en très bas âge, le ou la joueuse de jeux experts n’y trouvera que peu d’intérêt. L’inverse est vrai aussi.
Le game design : une méthode itérative
Et maintenant, comment se lancer concrètement dans la conception d'un jeu de médiation scientifique ?
Il est important de définir dès le départ l'objectif du jeu : quel est le message clé que je souhaite transmettre ? Attention à ne pas être trop ambitieux sur la complexité du message ou la quantité d'informations à transmettre : le mieux est l'ennemi du bien !
Le public doit par ailleurs être la pierre angulaire de la création. Quelle expérience de jeu, en tant que créateur, je souhaite faire vivre au public du jeu ? Où ? Dans quelles conditions ? Est-ce que cela sert ou non les objectifs que j’avais au départ ? Ces questionnements conduisent à une méthode itérative de création où les rencontres avec les publics sont un point d’orgue obligatoire et récurrent afin d’évaluer, ajuster, améliorer et concevoir de nouveau. Avec pour objectif majeur : que le public ciblé ait réellement joué à un jeu.
Extrait de la présentation de Florian Delcourt : le game design est une démarche itérative.
Si cela vous semble familier, c’est parce que ces étapes ressemblent beaucoup à celles de la démarche scientifique :
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Observations : mon expérience - personnelle ou professionnelle, en tant que joueur ou créateur de jeux - m'a montré que le jeu pouvait être un médium intéressant pour transmettre des savoirs de manière ludique et attractive ;
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Problématique : je souhaite créer un jeu de médiation, qui puisse me permette de transmettre un message scientifique (à définir !) ;
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Hypothèses : je pense que telle mécanique de jeu / telle série de règles me permettra de remplir cet objectif ;
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Expérience : je réalise un prototype simple et organise un playtest avec mon public cible pour le tester ;
- Interprétation et conclusions : j'analyse les résultats du playtest et évalue ce qui fonctionne ou ce qu'il reste à améliorer, en regard de mes objectifs ;
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Retour à l'étape 1 !
Pour vous guider dans la conception du jeu, vous pouvez vous appuyer sur cette fiche pratique téléchargeable qui vous guide étape par étape, et reprend les éléments clés à définir pour un gameplay solide !
Après la théorie, la pratique !
L’après-midi a été dédiée principalement à une mise en application directe des savoirs et savoir-faire exprimés le matin-même. A partir de thématiques choisies collectivement, les participants s’essaient à la création d’expériences ludiques pour la médiation de savoirs. Le recyclage, l’esprit critique, la démarche scientifique et la résilience des écosystèmes ont ainsi été étudiés et discutés pour définir le message simple que la création pourrait porter. Le choix de ce message s'est mêlée étroitement à l’expérience de jeu que nos créateurs du jour ont souhaité faire vivre à leurs futurs joueurs. Les discussions étaient vivantes, éclairantes et constructives, mettant en lumière les forces d’avoir plusieurs créateurs autour d’une même table lors de cette phase de définition.
Les participants se lancent dans une phase créative !
De nombreuses mécaniques de jeu ont été évoquées, certaines proches du jeu de piste ou de l’enquête, d’autres du jeu de puzzle ou encore de construction. A cette étape, il serait temps alors de passer à une phase de prototypage, qui consiste à réaliser un exemplaire ou une partie du jeu non définitive. Dans une démarche de création complète, il s’ensuivrait encore des tests avec différents publics dont le public cible, puis une évaluation, puis un re-design du jeu, et ainsi de suite. Jusqu’au jeu final !
Et les escape game ?
La journée s'est terminée sur un échange autour des escape game/jeux d’évasion, très en vogue. Ce format de jeu réunit une équipe de joueurs dans un espace délimité, souvent fermé, qui devra résoudre une mission dans un temps limité. Ce type de jeu à scénario est constitué d’une succession d’énigmes, d’un décor dans lesquels évoluent les joueurs et ne sera jouable qu’une seule fois par un groupe. Format intriguant et motivant, il demande cependant une forte organisation (temps d’initialisation, introduction de l’histoire, puis accompagnement par un organisateur) et souvent des moyens plus grands pour sa mise en place (financier, temporel, superficie) qu’un jeu sur table.
Cependant, les jeux d’évasion, comme les jeux d’enquêtes, s’ils sont bien réalisés, sont des portes d’entrée vers des démarches d’investigations proche d’une démarche scientifique. Les publics, parfois engagés corporellement dans un décor, sont soumis à un ensemble immersif et interactif où le déroulement du jeu se base en grande partie sur leur propre raisonnement. Une liberté de penser qui peut être un sérieux atout pour diffuser des savoirs.
Pour aller + loin
Pour être tenu au courant des prochains "ateliers de la CST", n'hésitez pas à consulter régulièrement le site de la Direction de la culture et de la culture scientifique de l'Université Grenoble Alpes et à nous suivre sur les réseaux sociaux à travers le hashtag #AtelierCSTUGA !
Enfin, vous pouvez retrouver tous les résumés et fiches pratiques des précédents ateliers sur le dossier Echosciences dédié.
Cet article a été co-rédigé par Florian Delcourt, responsable de l'ingénierie culturelle au sein de l'association S[cube] et Sandy Aupetit, chargée de médiation scientifique et à la Direction de la culture et de la culture scientifique de l'Université Grenoble Alpes.