Alexandre écoute les arbres pour diagnostiquer leur état de santé
Publié par Pierre Chaumont, le 25 mars 2013 5.1k
Pierre a rencontré Alexandre Ponomarenko, chercheur Grenoblois au LiPhy. Où l'on apprend que l'étude du transport de la sève dans les arbres est une affaire de mécanique des fluides... et de bruits suspects.
Alexandre Ponomarenko, chercheur Grenoblois au LiPhy (Laboratoire interdisciplinaire de Physique) et spécialiste de la mécanique des fluides, travaille aujourd'hui à la compréhension des mécanisme de transport de la sève dans les arbres. Ses recherches se déroulent particulièrement en conditions de stress hydrique, c'est à dire de sécheresse ou encore de gel. Ces conditions provoquent l'apparition de bulles d'air dans les vaisseaux qui conduisent la sève et entraînent des phénomènes d'embolie et de collapse [ndlr : effondrement] qui sont bien sûr de mauvaise augure pour l'arbre.
Toute l'ambition des recherches d'Alexandre Ponomarenko est de déterminer quelles sont entre autres les conditions de température et de pression qui permettent la formation de ces bulles d'air. Et c'est là que l'un des processus utilisé est tout à fait étonnant, puisqu'il s'agit non seulement d'observer mais aussi d'écouter les arbres. En effet, lors de leur formation, les bulles d'air produisent des événement acoustiques qui peuvent être identifiés en plaçant de petits micros sur le bois. Les recherches consistent à détecter les sons et à déterminer par le biais d'analyses statistiques quels sont ceux qui sont provoqués par la formation de bulles d'air.
A terme, ces travaux pourraient conduire au développement d'un outil permettant de diagnostiquer l'état de santé d'une forêt, simplement en écoutant certains arbres. Le dispositif, constitué de quelques micros est extrêmement discret et ne constitue pas une gêne pour l'arbre sur lequel il est installé. De plus, les sons qui sont intéressants à détecter se situent en dehors du spectre audible pour l'homme. Un oiseau peut donc venir chanter à côté du micro sans que cela ne perturbe l'enregistrement.
Ces recherches prennent d'autant plus d'importance suite à la parution, en novembre dernier dans la revue Nature, d'un article pointant l'alarmante vulnérabilité des forêts face aux sécheresses de plus en plus fréquentes. 220 espèces réparties dans 80 régions du globe ont été observées et une des conclusions de l'étude est que 70% des arbres fonctionneraient à la limite de la rupture hydraulique. Il serait donc intéressant de disposer d'un outil permettant un diagnostic précis de l'état de santé des forêts car ne l'oublions pas, ce sont les arbres qui produisent l'oxygène que nous respirons.
>> Illustrations : Alexandre Ponomarenko, Mgeorge733 (Flickr, licence cc)