#7 Sébastien Gréhant, regard d'ingénieur chez GEG - Exposition "Au croisement des Ohms"

Publié par GEG, le 23 août 2023   600

Sébastien Gréhant est en charge du développement de projets photovoltaïques et suivi de réalisation depuis plusieurs années chez l'énergéticien local, Gaz et Électricité de Grenoble (GEG). Découvrez son témoignage ! 

« Le contexte aujourd’hui nous montre qu’on est clairement dépendant de sources, de notre approvisionnement énergétique » 

A quel point dépendons-nous de l'énergie? 

Quand on évoque l’énergie à Sébastien, ingénieur, la première chose à laquelle il pense, c’est la nourriture puisqu'elle fournit l’énergie à notre corps pour qu’il fonctionne correctement. Ensuite, ce sont les problématiques actuelles de crise énergétique, l’explosion des prix qui en a suivi et a révélé plus que jamais l’omniprésence de l’énergie dans nos vies. Nous en sommes non seulement dépendant à l’échelle individuelle, qu’il s’agisse de se déplacer pour aller faire ses courses, chauffer son logement, prendre une douche chaude par exemple, mais c'est le cas également à l'échelle planétaire.

L’énergie est donc fortement liée à la notion de dépendance selon Sébastien, perçue comme un levier de développement économiquement d'un pays. Alors que 80% du système énergétique mondial repose sur la consommation d’énergies fossiles[1], les enjeux énergétiques sont effectivement au cœur de ces questions de développement. Aujourd’hui les demandes d’énergie globale sont principalement conduites par les économies émergentes notamment la Chine qui depuis 2015 construit l’équivalent de deux centrales électriques au charbon par semaine [2]. Paradoxalement, c’est également le plus producteur d’énergie renouvelable. 

Un principe majeur sur la scène internationale : les responsabilités communes mais différenciées

Cela soulève la question des responsabilités communes mais différenciées, un principe majeur de la Convention-Cadre des Nations-Unies sur le changement climatique. Alors que les États ont une obligation commune de combattre le changement climatique, il s’agit de reconnaître une responsabilité différenciée entre les pays. Les pays les plus riches, comme la France, ont basé leur développement sur l’émergence des énergies fossiles (d’abord le charbon puis le pétrole et le gaz) durant l’ère industrielle devenant ainsi des sociétés industrielles à haute consommation d’énergie. Ces pays portent donc historiquement une responsabilité plus importante quant aux émissions de gaz à effet de serre. De plus, ils ont une capacité d’action financière et technologique plus importante.

Quant aux pays en voie de développement, certains revendiquent l’utilisation massive d’énergies fossiles comme une étape indispensable pour se développer, pointant du doigt les pays industriels qui l’ont fait un siècle plus tôt. Ainsi, sur la scène internationale, aujourd'hui la question se pose : est-il légitime et réaliste de demander à ces puissances de se développer uniquement par des énergies décarbonées ?

« Je pense qu’aujourd’hui le prix de l’énergie ne tient pas compte des impacts sociaux et environnementaux sur le reste de la Terre dans son ensemble »

Sera-t-on en mesure d’atteindre les objectifs de neutralité carbone fixés par la COP 21 pour 2050 ?

Sébastien Gréhant semble pessimiste sur notre capacité et volonté d’action pour consommer moins d’énergie. Selon lui, c’est avant tout le prix qui guide nos comportements en matière de consommation d’énergie. L’année passée nous l’a bien montré : face à la flambée des prix du gaz et de l’électricité, n’avons-nous pas fait plus d’efforts pour réduire notre consommation et atténuer la facture ? Cela a conduit un certain nombre d’entre nous à réfléchir à deux fois avant d’utiliser la voiture, monter le chauffage, etc… Pour beaucoup d’entre nous, c’est quand notre quotidien est directement impacté que nous réagissons !

" Aujourd'hui on consomme beaucoup de loisirs qui consomment beaucoup d'énergie,

on a cette envie de faire mieux, plus loin, plus fort,  est ce que c'est vraiment nécessaire ?

Je ne sais pas. Je pense que l'humain a besoin de faire une pause !"

Face à l’urgence climatique, garantir un avenir à nos enfants :

Sébastien Gréhant craint parfois que nous aurons du mal à fournir les efforts attendus pour atteindre la neutralité carbone. Pour le moment, sa principale motivation afin de limiter sa consommation énergétique, c’est l’anxiété climatique. Sur ce point, Sébastien représente tout à fait les inquiétudes du profil socioénergétique de l’écophile [3] !

Bénéficiant du statut des industries électriques et gazières, la facture énergétique de Sébastien n'est pas un levier d'action. Ce n’est donc pas l’aspect économique qui aujourd’hui le pousse à s’investir pour réduire sa consommation, mais la volonté d’assurer un avenir à tous les enfants dont les siens.

« Il ne faut pas dénigrer les actions des uns et des autres : chaque geste est important »

Prendre conscience et se responsabiliser

A l’avenir, nous serons contraints de bousculer nos habitudes et modes de consommation. Certains le font déjà, et Sébastien souligne l’importance de reconnaître ces efforts plutôt que le « bashing », rejet, qu’il observe actuellement sur les pratiques de consommation atypiques que proposent des communautés de citoyens, ou des individus voir des communes et région. Il pense que nous avons tendance à interpréter les efforts de certains comme un jugement de notre propre manière de vivre et automatiquement rejeter les réflexions sur une consommation différente. La peur de perdre nos habitudes, une idée que l'on se fait du confort nous pousse à rejeter la nouveauté.

Pourtant, les prises de conscience personnelles sont essentielles pour amorcer la transition. Notre action individuelle a le pouvoir de faire changer les choses petit à petit et il incombe à chacun de se responsabiliser. Sébastien s'interroge : est-il légitime de reprocher à une compagnie aérienne l’emprunte carbone de ses vols quand on continue de voyager en avion ?

Venez retrouver les réflexions et interrogations de Sébastien à la galerie d'exposition Au croisement des Ohms à la Casemate du 7 juin au 30 septembre !

Article rédigé par Louna Sainty

Etudiante en 2de année à Sciences Po Grenoble


[1] Karen C. Seto et al., 2016. Carbon Lock-In: Types, Causes, and Policy Implications. Annual Review of Environment and Ressources, Vol. 41, pp. 425-452 

[2] https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/la-chine-construit-toujours-plus-de-centrales-au-charbon-selon-greenpeace-959897.html  

[3] La Branche S., 2021. Energie et Ecologie : les sept profils socioénergétiques, Presses Universitaires de Sciences Po Grenoble. Disponible à : Énergie et écologie : les sept profils socioénergétiques - Stéphane LA BRANCHE - Sociologue du climat (Laboratoire Pacte) - Stéphane La Branche (EAN13 : 9782706151095) | PUG : livres papiers et numériques en ligne