Fabienne est professeur à l'Université de Grenoble 3 et directrice adjointe de l'UFR des Sciences de la Communication - Institut de la Communication et des Médias. En tant qu'anthropologue de l’émotion, Fabienne Martin-Juchat reconnait que l’on a souvent tendance à avoir une vision de l’énergie centrée sur l’électricité au premier abord.
Pour elle, l’énergie représente bien plus que ça, elle est omniprésente dans nos vies. Fabienne s’intéresse notamment dans l’exercice de son métier aux représentations du corps et pratiques corporelles. Elle se penche naturellement sur le rôle de l’énergie corporelle.

« L’énergie est partout. Sans énergie il n’y a pas de vie et la vie c’est de l’échange d’énergie »

« La finalité de la société occidentale c’est d’augmenter la rythmique des échanges énergétiques »

« Au contraire, plus on ralentit, plus on a de l’énergie »

Devons-nous changer notre vision du monde ?

Fabienne Martin-Juchat prône un changement sociétal profond. Elle nous invite à remettre en question notre vision du monde qui fait de ce qu’elle appelle accélération mécanique une fin.

Pris dans un flux constant d’informations, à l’heure où les échanges s’accélèrent et où l’énergie est à notre disposition, ne devrions-nous pas prendre le temps ?

La solution pour « gagner de l’énergie » selon Fabienne serait de ralentir nos activités.

En effet, le temps est parfois un frein à l’adoption de comportements sobres en énergie. Par exemple, pourquoi ne pas abandonner le sèche-linge, rapide et efficace, et préférer le séchage à l’air libre ? Ou encore pourquoi ne pas prendre le temps après sa douche de récupérer l’eau afin de la réutiliser pour d’autres usages ? propose Fabienne.

« On peut raisonner autrement en étant moins obsédé par la rapidité »

Prendre conscience que l’énergie est une ressource précieuse

Fabienne argumente sur la hausse du prix de l’énergie afin de souligner sa rareté. L’énergie n’étant pas infinie, l'augmentation des tarifs devient un levier vers une prise de conscience et un moyen d'encourager les efforts pour l’économiser. En effet, il est difficile de concilier des efforts personnels avec le désir d’être intégré à une société qui nous pousse à surconsommer. Ce n’est donc pas uniquement une responsabilité individuelle, mais collective. C’est aussi la hausse du prix de l’énergie qui d'après elle poussera les industriels à remettre en question leurs modes de production intensifs en consommation d’énergie.

« Je suis impatiente que des magasins proposent uniquement des produits dans une logique de sobriété »

«  [le marché de l'énergie]  sera encore plus instable pour permettre à ce que de nouveaux entrants proposent d’autres solutions énergétiques »

Impliquer les entreprises dans la transition 

Les entreprises ont également leur rôle à jouer pour faciliter un changement de consommation d’après Fabienne. Ce sont elles qui ont le pouvoir, mais en tant que citoyen, nous pouvons choisir des entreprises qui œuvrent pour la transition énergétique.

Par ailleurs, un marché énergétique instable peut être une opportunité selon Fabienne : cela amènera les entreprises et la société à bouleverser ses paradigmes face à l’urgence. Ce sont des évènements comme la crise climatique et la crise en Ukraine qui nous aident à prendre conscience des changements nécessaires.

Si l'énergie est nécessaire, Fabienne insiste sur l’importance d’accompagner cette remise en question de notre rapport à elle (l'énergie). Justement, véritable énergiphile[1], elle en a fait son travail ! En tant qu’anthropologue, Fabienne a voyagé dans le monde entier pour réfléchir au rapport entre sciences, technologies, et société autour de la question centrale de l’énergie. Les enseignements et observation qu’elle en tirés lui permettent aujourd’hui de réfléchir, notamment avec les industriels, sur les solutions pour changer nos pratiques de consommation d’énergie.

	Venez retrouver les réflexions et interrogations de Fabienne Martin-Juchat directement dans la galerie d'exposition "Au croisement des Ohms" à la Casemate du 7 juin au 30 septembre !   Propos recueillis par les étudiants de Colibri Junior Conseil de Sciences Po Grenoble (junior-sciencespogrenoble.fr)

Louna Sainty

Etudiante en 2de année à Sciences Po Grenoble

[1] Enerphile : s’intéresse à tout ce qui touche à l’énergie, il en a une connaissance fine qu’il met à profit pour réduire sa consommation d’énergie en elle-même, plus que son budget ou empreinte écologique. D'après : La Branche S., 2021. Energie et Ecologie : les sept profils socioénergétiques, Presses Universitaires de Sciences Po Grenoble. Disponible à : Énergie et écologie : les sept profils socioénergétiques - Stéphane LA BRANCHE - Sociologue du climat (Laboratoire Pacte) - Stéphane La Branche (EAN13 : 9782706151095) | PUG : livres papiers et numériques en ligne