Physique et impacts des volcans
Publié par Encyclopédie Environnement, le 11 octobre 2021 4.2k
Pourquoi et comment les volcans entrent-ils en éruption ? Au sein du manteau terrestre, parce qu’il est plus léger que les roches qui l’entourent, le magma s’extrait de sa source, monte vers la surface et vient souvent s’accumuler dans un réservoir qui finit par le relâcher. Propulsé vers la surface, le magma dégaze. En fonction de la quantité de gaz libérés, son éruption peut prendre la forme d’une coulée liquide ou d’un jet de gaz portant des fragments de magma à grande vitesse.
Dans l’actualité, le Cumbre Vieja
Calme depuis 50 ans, ce volcan de l’ile de La Palma (Canaries) s’est brutalement rappelé à l’attention de toute l’Europe. Après une activité sismique soutenue depuis 11 septembre, une éruption spectaculaire se déroule depuis le 19 septembre. Les coulées de lave (lire Les lois qui régissent l’activité des volcans) se sont répandues sur les flancs du volcan qui culmine à plus de 1940 m d’altitude. Plus de 6000 personnes ont dû évacuer leurs résidences alors qu’une centaine de maisons ont été détruites comme de nombreuses infrastructures. De menaçants nuages se sont élevés au-dessus du volcan et des fontaines de laves ont jailli à plusieurs dizaines de mètres de hauteur dans la zone de l’éruption. Les coulées ont finalement atteint la mer le 28 septembre faisant craindre des émanations toxiques lors du contact entre la lave incandescente et l’eau. Depuis, l’activité du Cumbre Vieja ne semble pas faiblir, faisant craindre de nouveaux dommages.
Légende : Coulée de lave du volcan La Palma, aux Îles Canaries. Cette nouvelle coulée est venue s’ajouter à la lave qui continuait de s’accumuler dans l’océan Atlantique, formant une vaste plateforme de magma. [Source : Euronews]
Les impacts d’une telle éruption sont nombreux. En premier lieu, citons les destructions par les coulées de lave dont les images impressionnantes ont été largement diffusées. Le panache volcanique qui atteint jusqu’à 6 kilomètres de hauteur témoigne des masses de cendres et de gaz qui sont émis dans l’atmosphère. Les cendres se déposent rapidement dans la région, couvrant zones urbaines et agricoles, et forçant à l’interruption du transport aérien. Le gaz, en particulier le SO2, et les particules fines peuvent se propager au loin : les produits du Cumbre Vieja sont observés jusqu’en Allemagne du Nord. Les impacts environnementaux immédiats sont donc à grande échelle. Alors que l’activité humaine et ses émissions de gaz sont au centre de notre attention pour la pollution de l’air et l’avenir du climat, ces événements récents nous rappellent que les volcans contribuent aussi largement aux émissions de gaz et aux problèmes rencontrés par l’homme moderne.
L’origine des volcans
Les volcans sont l’expression à la surface d’une source profonde de magma dans le manteau terrestre. La fusion des roches en profondeur se produit soit quand un courant chaud les entraine vers la croûte terrestre (un « panache »), soit quand elles sont mises en contact avec de l’eau par des matériaux froids descendants (une « subduction »). Les volcans sont donc les grands témoins de la convection lente qui anime le manteau terrestre dont l’épaisseur, voisine de 2800 km, est supérieure au tiers du rayon de notre planète, proche de 6 370 km.
Figure 2. Relations entre les volcans et les mouvements internes de la planète. Les mouvements les plus fréquents sont associés aux courants de convection dans le manteau terrestre, qu’ils soient ascendants ou descendants. Sur la droite on voit des volcans qui naissent dans des zones d’extension du manteau [d’après Les lois qui régissent l’activité des volcans].
Lentes coulées de laves ou brutales explosions ?
Pourquoi de telles différences de comportements et d’impacts comme des émissions de laves au Cumbre Vieja et des explosions massives dans d’autre cas avec les terribles coulées pyroclastiques (les nuées ardentes de Pompéi) ? Le magma, produit de la fusion des roches, est plus léger que les roches elles-mêmes et s’il représente une part suffisante, il pourra monter vers la surface sous l’effet de la force d’Archimède en rencontrant des conditions et des roches différentes suivant les régions. Dans la croûte terrestre, dont l’épaisseur varie entre 20 et 50 km, le magma sous pression peut s’infiltrer au travers de fissures qui s’ouvrent en créant des séismes, comme on a pu le constater sous le Cumbre Vieja dans les jours qui précédaient l’éruption.
Figure 3. Schéma montrant les différentes parties d’un système volcanique. La source profonde est majoritairement liée à des mouvements à grande échelle au sein du manteau terrestre (ici un courant ascendant est représenté). En montant vers la surface le magma fracture les roches qui l’entourent. À proximité de la surface il s’accumule souvent dans un réservoir [d’après Les lois qui régissent l’activité des volcans].
L’éruption elle-même est conditionnée par la viscosité du magma et son contenu en gaz lorsqu’il approche de la surface. Dans le cas de l’éruption du Cumbre Vieja, le gaz contenu dans le magma est en faible quantité et le magma s’écoule principalement comme un fluide visqueux.
Légende : Coulée de lave du volcan La Palma, aux Îles Canaries. [Source : afarTV]
Dans d’autres cas une présence massive de gaz qui s’extrait du magma lors de son ascension conduit à des formes de jets explosifs et à des éruptions particulièrement dangereuses. Il arrive que ces différents régimes puissent exister successivement pour le même volcan quand les conditions physiques du magma changent (lire Les lois qui régissent l’activité des volcans).
Un grand volcan étant un amas de cendres et de coulées de lave, quand il est soumis à de très fortes et soudaines déformations lors de la phase éruptive, des glissements de terrain massifs peuvent se produire. Si ces derniers atteignent la mer, ils peuvent causer des tsunamis potentiellement destructeurs même à distance (Lire : Tsunamis : les connaître pour mieux les prévoir). Cette hypothèse a été proposée pour le Cumbre Vieja (Ward and Day, 2001) pour lequel un effondrement de flan catastrophique serait compatible avec les déformations produites par les éruptions alimentées par un dyke (lire Les lois qui régissent l’activité des volcans) de grande extension, associé à un glissement en profondeur. C’est toute une partie du volcan qui pourrait glisser vers la mer, engendrant un tsunami susceptible d’atteindre les côtes du basin atlantique jusqu’aux Amériques.
Si la physique des volcans a beaucoup progressé, de nombreuses incertitudes limitent encore les prévisions des experts, pourtant indispensables pour se prémunir contre les impacts souvent dévastateurs de ces volcans.
Ce texte est tiré de l’article Les lois qui régissent l’activité des volcans, de Claude Jaupart, Professeur de Géophysique à l'Université de Paris et à l'Institut de Physique du Globe de Paris, dans encyclopedie-environnement.org.
Image de couverture : Éruption de janvier 2006 du volcan Augustine, dans l’Alaska [Source : United States Geological Survey, domaine public http://www.avo.alaska.edu/image_full.php?id=5927].
__________________________________________________________________
Ce travail a été réalisé grâce au soutien financier d' UGA Éditions dans le cadre du programme "Investissement d'avenir", et de la Région Auvergne Rhône-Alpes.
- Retrouvez-nous sur notre site internet encyclopedie-environnement.org
· Retrouvez-nous également sur Facebook, Twitter et LinkedIn
Liens vers les articles de l’encyclopédie sur ce sujet ou en relation
- https://www.encyclopedie-environnement.org/sol/lois-activite-volcans/
- https://www.encyclopedie-environnement.org/sol/tsunamis-connaitre-prevoir/
- https://www.encyclopedie-environnement.org/sol/glissement-eboulement-rocheux-fatalite/
- https://www.encyclopedie-environnement.org/sol/glissements-de-terrain/
- https://www.encyclopedie-environnement.org/sol/seismes-glissements-terrain/
Autres liens