La science pour les tout-petits : mission impossible ?
Publié par Clémence Marcher, le 22 juillet 2013 5.8k
Les actions de médiation des sciences se diversifient depuis de nombreuses années. Pourtant, peu d’offres sont disponibles pour les 3-6 ans. Un public qui peut paraître difficile mais auquel les professionnels doivent juste s’adapter.
A quoi pense-t-on quand on parle des tout-petits ? « J’aime pas les courgettes », « Ils sont jolis tes cheveux », « J’veux faire pipi », etc… En clair, pas franchement des sciences. Votre mission si vous l’acceptez : faire découvrir les sciences aux enfants de 3 à 6 ans, dits « non lecteurs ». Impossible ?
Je vous entends déjà : qu’est-ce que des petits peuvent comprendre au boson de Higgs, ou encore à la transcription ? Quel intérêt de parler de sciences à des enfants de cet âge ? Tout simplement parce que nos chérubins en font tous les jours sans le savoir ! Ils sont en pleine exploration du monde qui les entoure. Pour cela, ils utilisent à fond leur cinq sens et quand ils ne comprennent pas, ils demandent. Ah la fameuse période du pourquoi autour des 3 ans… « Pourquoi ça pique ? », « Pourquoi les étoiles brillent ? »… Et que répondre ?
Un souhait des parents et enseignants
A côté des questions des bambins, il faut également savoir qu’il y a une véritable attente des adultes. Pendant les mois de mai et juin 2012, plus de 80% des parents et 65% des enseignants venus visiter la dernière exposition de la Casemate « T’es où vas-tu ? », ont invoqué comme raison de leur venue l’accès à un espace dédié aux enfants. Pour les enseignants, les deux autres raisons étant l’accès à un espace dédié aux sciences (55%) et la thématique de l’exposition (55%) (1).
Les enfants apprennent plus facilement s’ils manipulent. Or c’est souvent quelque chose de difficile à mettre en place en classe. Faire découvrir les formes, les couleurs est assez aisé par le dessin mais comment leur montrer qu’il existe différentes textures de matériaux ? Que la lumière sur un corps produit une ombre mais qu’une ombre elle-même peut être trompeuse (ex : quelqu’un de grand apparaît petit suivant sa distance du point lumineux) ? De plus, les enseignants n’ont pas forcément les compétences ou tout simplement pas le matériel.
Une bande de lapins Duracell gonflés à bloc
Bon. Alors si tout le monde souhaite des activités scientifiques pour les petits, faisons-le ! Et bam… Première idée reçue sur les pitchous et les musées d’après Malvina Artheau, responsable Pôle numérique et Médialab à Science Animation (CCSTI de Toulouse) : « Allez donc capter l'attention d'une bande de lapins Duracell gonflés à bloc pendant une heure... » comme elle le dit si bien sur son blog. Là le public n’est ni adulte ni aussi sage que des enfants qui écoutent la maîtresse !
Entre 3 et 6 ans, on a ce qu’on appelle un public « non-lecteur », c’est-à-dire dont la capacité d’attention est d’à peu près… 25 minutes. Passé ce délai, les enfants jouent avec leurs cheveux, s’agitent sur leur chaise, vont voir les copains, bref ça devient un véritable capharnaüm ! L’intervenant n’a alors qu’une envie : les ligoter à leur place et les bâillonner !
Des CCSTI pionniers
Quelques Centres de Culture Scientifique, Technique et Industrielle (CCSTI) ont quand même pris leur courage à deux mains et, se prenant pour Jim Phelps (pas le père du célèbre nageur mais le héros de la série télévisée Mission impossible), se sont penchés sur ce public. Comme rien n’existait, il a fallu tout créer ! Le Forum départemental des sciences de Villeneuve d’Ascq a été l’un des premiers à concevoir des expositions, et est rapidement devenu une référence. Plus ou moins tardivement, d’autres CCSTI ont suivi dans la conception et/ou dans la présentation d’expositions comme Cap Sciences à Bordeaux, La Rotonde à Saint-Etienne ou plus près, La Casemate à Grenoble.
Leur point commun ? « Il est interdit de ne pas toucher ! » Un animateur présente l’activité aux enfants avec leurs mots, puis à eux de la tester ! Ils touchent, circulent sans contraintes, jouent dans la salle… Des miroirs pour découvrir son reflet plus ou moins déformé, des jumelles pour trouver des animaux cachés, des sons pour découvrir les cris des animaux par exemple. Les moments plus calmes qui suivent, permettent aux enfants de verbaliser ce qu’ils ont compris, d’approfondir le sujet avec l’animateur. Celui-ci sert de guide aux petits pour qu’ils trouvent par eux-mêmes les réponses. Des ateliers peuvent aussi être mis en place. Ils permettent une approche plus concrète de nombreux sujets comme par exemple la fabrication du miel. En petits groupes, les enfants peuvent plus facilement s’impliquer et poser des questions.
Et après ? Que proposera-t-on aux tout-petits ? A vous de faire fonctionner votre imagination ! Là encore vous me dîtes : mission impossible ?
>> Note :
- Pendant mon stage à La Casemate, j’ai mis en place des questionnaires ainsi que des entretiens téléphoniques afin de déterminer les attentes du public de l’espace enfant (3-6 ans). Ils ont été réalisés d’avril à juin de cette année.
>> Illustrations : whirledkid, Troy B Thompson (Flickr, licence cc), Marion S.