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Mémoires du Futur

Pourquoi, pour Quels Buts et Comment vivre en couple ?

Publié par Jean Claude Serres, le 3 septembre 2023   6.7k

Ce questionnement fait suite à l’excellent film de Justine Triet :“Anatomie d’une chute”. Je pourrai aussi me référer à un autre film plus ancien

L’Economie du couple” de Joachim Lafosse”

Qu’est-ce qui incite une personne à vouloir vivre en couple ? Une aspiration mimétique ou un conformisme social, un conditionnement familial, un vécu exemplaire ou traumatique   peuvent influer grandement sur ce questionnement. Les mémoires émotionnelles, sémantiques et épisodiques vont influer grandement sur le questionnement du “Pourquoi vivre en couple ?” 

Dans un excellent épisode de l’émission “sous le soleil de platon” animée par Charles Pépin, le neuroscientifique  québécois Pierre Cousineau nous livre quelques clés pour questionner les règles de vie (mémoire sémantique) et si besoin tenter de les refonder, de les reconsolider.  Emission de 50 mn sur France inter 

L'idéal de vie de chacun est sans doute la recherche du bien-être, que ce soit suivant l’âge ou le tempérament, la sérénité, l’épanouissement ou l'exaltation. Le désir de couple peut être un chemin pour la recherche du bien-être. Vivre en couple pour quels buts ?

Le désir de l’autre peut devenir le but premier, essentiel, qu’il soit d’ordre émotionnel, affectif, intuitif ou raisonné. Cela nous amène à discerner cette notion de désir, qu’il soit provoqué par un coup de foudre ou une approche progressive. Dans la perspective freudienne le désir est consécutif d’un manque impossible à combler. Le désir devient alors infini.  Ce désir se nourrit peut être de la peur de la solitude, de l'abandon, d’un manque originel comme ne pas se sentir aimable ou tout au contraire par le besoin d’aventure, de prise de risque.  Ce désir potentiel avant une rencontre ou à la rencontre initiale est un désir virtuel. Il peut perturber le processus de rencontre progressif qui va s’engager.

Un autre niveau de désir s’inscrit dans le réel. Désir de mouvement, d’appétit de vie. Il se nourrit chemin faisant de chaque instant présent. Vivre l’instant présent en pleine attention, en pleine conscience invite à se détacher du désir potentiel construit par le pourquoi et la mémoire du passé. Une pratique méditative permet d’éteindre ou d’assouplir le désir potentiel afin de se focaliser sur le désir de vie, l’appétit de vie de l’instant présent. Ainsi s’efface la nécessité de séduire, le projet sur l’autre, la peur de l’enjeu ou de l’échec.

L’amour n’est pas du tout le désir de l’autre qui est multiple et d’ordre émotionnel, sensuel, sexuel, érotique sur le plan du corps  ou d’ordre mental comme la recherche de  complicité, de confiance, de complémentarité ou encore d’inconnu, d’étonnement,  d’émerveillement. 

L’amour est une forme de don de soi, de souci de soi comme du souci de l’autre, du bien être de chacun, dans un équilibre dynamique toujours en construction entre l’attirance, le soutien et le partage. parfois cela peut être aussi un souci de citoyenneté et de solidarité.

Pour pouvoir aimer l’autre il nous faut le connaître. Pour avoir le désir de le connaître, il nous faut déjà l'aimer. Amour et Connaissance de l'autre sont en interaction dynamique et forment une danse vertueuse. Si cela est discuté, chacun apprend aussi à mieux se connaître L’amour porté à son apogée conduit à l’équanimité. L’équanimité représente une forme de sagesse. L’équanimité est une disposition affective de détachement et de sérénité à l'égard de toute sensation ou évocation, agréable ou désagréable. C’est la maîtrise de soi et l’acceptation de tout ce qui est. Cette acceptation conduit à l’engagement et dynamise la vie. L'équanimité induit l’acceptation de l’autre dans sa différence et la part irréductible de l’étranger qui l’habite. Quand une personne ressent avoir fait “le tour “ de l’autre a perdu la faculté de l’aimer.

Discerner entre amour et désir permet de mieux caractériser la nature de la relation entre ces deux pôles qui sont toujours en interaction systémique. Pour le meilleur, l’un nourrit et épanoui l’autre. Pour le pire l’un détruit l’autre, que ce soit entre les deux pôles amour et désirs comme entre les deux partenaires.  

Le questionnement fondamental pour une recherche d’un bien-être subjectif, personnel (qui reste à définir) pourrait s’exprimer ainsi 

  • Comment le “vivre en couple” peut conduire au bien être de chacun ?
  • Comment ne pas vivre en couple peut me conduire au bien être recherché ?
  • Comment l’engagement initial et ses modalités vont induire les possibles de sa fin qu’elle soit paisible ou douloureuse, ou pire de sa chute comme dans les deux films évoqués au début du propos

Notre société machiste et paternaliste induit bien des questionnements sur la nécessité de vivre en couple avec un homme trop souvent violent, dominant et surtout mal-aimant. L'exigence d’égalité “des droits” entre les sexe, enjeu sociétal immense demeure le parent pauvre dans la vie d’un couple. L’égalité intime ne doit pas conduire à l'exigence de mêmeté bien dangereuse à long terme mais à l’égalité du droit à la différence intime, à l’acceptation de l’autre dans son désir de vie, à l’incomplétude qui éloignent d’un idéal unique de mêmeté.

Il devient temps de se pencher sur la question du comment vivre en couple ?. A la différence de deux bateaux qui s'accouplent à quai mais naviguent en solitaire, le couple va naviguer “accouplé” avec des amarres ou des liens de  multiples formes.  

Une grille de lecture permet d'identifier les types de liens qui vont structurer et évoluer, se complémenter  au fil du temps.

  • lien unique de la mêmeté : le couple fusionnel 
  • le couple est binaire : l'un et l’autre (chacun en quête de son bien être - chacun est une pièce du puzzle de l’autre, parfois même la béquille de l’autre )
  • le lien est ternaire : l’un, l'autre , le couple (la part de “chacun” en équilibre dynamique avec le bien être du “nous”) 
  • le lien est multiple ( l'ouverture et le rayonnement vers les autres (enfants, petits enfants, grande famille, les amis, les relations sociales? Les projets de vies partagés : culturels en nature, sportif, associatifs  ou sociétaux, etc. )  

Le “couple” comporte multiples formes : amants, couple vivant chacun chez soi (avec chacun ses économies), en ménage (sous le même toit, solidaire, en soutien mutuel), en famille élargie avec des amis partagés et d’autres non, en couple d’amis sans vie commune au quotidien.  

Trop souvent l’organisation du couple fonctionne sur la relation de pouvoir “dominant-dominé”   systématique. Le dominant peut être un dominé ou un dominant sur le plan professionnel.  Là encore le mimétisme et le conditionnement social induisent le type d’organisation.

Une vaste question dont Pierre Cousineau propose  des éléments de réponse est la suivante : Peut-on se détacher de son passé, en prenant distance et envisager un futur libéré, partageable et attractif ?

Le “vivre en couple”   est une organisation du vivant qui respecte ses règles fondamentales : "Naître, Vivre et Mourir”. Nombre de couples s'arrêtent en chemin de vie. D’autres se transforment en réalisant des deuils et divorces symboliques d’un vécu passé qui n’a plus cours,  bifurquant dans d’autres modalités du vivre ensemble.

Avant de se poser la question du désir de vivre en couple, au moment de s’engager, ou quand la vie de couple se réalise, quatre question racines doivent être posées simultanément, seul ou à deux  ;

  1. Comment réaliser la recherche d’un partenaire et comment cette recherche va conditionner le chemin de vie du couple, sa réussite ? 
  2. Comment aborder les conflits de couple ( la vie est une succession de conflits avec soi-même, avec l'autre, avec les autres et l’environnement)
  3. Comment anticiper la fin du couple : chute, maladies, deuil, etc. 
  4. Comment prendre distance avec le conditionnement sociétal (romans et films en particulier) pour déterminer son chemin de vie.

Un autre questionnement concerne l’engagement de chacun à vivre en couple, son cadre de validité et le périmètre de fidélité à cet engagement.  Dans l’intimité mentale, celle qui concerne la confiance réciproque, il est cependant nécessaire de conserver chacun son jardin secret. Toute vérité n’est pas bonne à dire. Chacun  peut utilement se questionner sur ce qu’il a appris de ses différentes amours comme l’a suggéré Théodore Zeldin afin de ne pas sombrer dans les répétitions douloureuses. 

Dans la conduite du changement et les méthodes d’accompagnement  l’outil “la roue de Hudson” peut être très approprié pour éviter de retomber dans les mêmes travers et les répétitions, suite à une rupture.

Dans une perspective moins séquentielle et “occidentale” la “roue de Hudson” peut être réfléchie et représentée en 3, 4 ou 5 actions simultanées, principalement au moment de se relancer dans une nouvelle démarche pour “vivre en couple”.