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Mémoires du Futur

De l’hybridation entre notre façon de penser et la prise en compte de la spécificité de L’ACT

Publié par Jean Claude Serres, le 11 juin 2024   310

J’ai déjà abordé l’ACT (thérapie de l’acceptation et de l’engagement) dans une précédente publication. Il me semble cependant difficile pour beaucoup de personnes, au-delà de la simple compréhension intellectuelle, de s’approprier cet outil de travail personnel ou d'accompagnement. Les 6 processus ou démarches qui la caractérisent et qui fondent sa pertinence ne peuvent pas être assimilés d’un seul regard cartésien.

Les questionnements requis peuvent se décomposer en trois domaines : la nature du problème à traiter, la méthode de résolution du problème, la pratique et assimilation de la boîte à outils de l’ACT.

Nature du problème à traiter : 

Le problème caractérise un écart entre le réel tel qu’il est et la situation espérée dans un avenir plus ou moins bref. Nous allons nous focaliser sur les problèmes psychiques, de souffrance, de mal être ou de développement personnel. La réflexion conduite sur les différentes techniques de résolution de problème analysées bien que focalisées sur cette problématique psychosomatique dépasse largement cette problématique individuelle. 

Dans la problématique psychosomatique individuelle une grande variété  de problèmes sont à prendre en compte  : 

  1. les maladies psychiques et psychosomatiques (dépression, psychoses, traumas et situations d’ handicap accidentel, phobies, etc.)
  2. les souffrances du vivre ensemble ou seul (deuil, séparation, situations d'emprise, violences subies, angoisses, peur de la mort, dépendances et addictions, etc.)
  3. le développement personnel ( bifurcation professionnelle, développement du compétence, exigences performatrices, questionnement sur le sens de la vie et la spiritualité, etc.) 

Il arrive souvent que plusieurs problématiques soient imbriquées. Démêler l’écheveau des problématiques aide à cerner des problèmes distincts mais probablement en interaction. 

Techniques de résolution du problème : 

On peut identifier trois grandes familles de stratégies pour résoudre un problème. Cependant il est possible de les mixer. 

La plus usité en occident  est l'approche déterministe. En analysant les facteurs ayant contribué à la création du problème, la personne cherche à identifier l’arbre des causes et finalement les ou la cause racine. En fait, cette cause racine est le vrai problème à traiter. La personne cherchera à éradiquer la cause racine par une solution adéquate. Le DSM-IV (méthode américaine de diagnostic et statistique des troubles mentaux) procède de cette approche. A chaque problème racine sa molécule ou stratégie de réduction de la cause racine. Cette approche reste peu adaptée pour aborder des problématiques systémiques. Dans cette recherche des causes racines nous retrouveront les démarches psychanalytiques de recherche des causes origines dans la petite enfance et dans les approches de la psycho-généalogie. L’analyse transactionnelle se rapproche un peu de cette méthode en recherchant dans un passé réduit (5 à 10 ans) les processus relationnels critiques comme les ressources ayant été déjà utilisées pour rebondir après un point bas ou un échec.   

La seconde méthode nous vient du japon. Elle s’est largement diffusée dans la société occidentale depuis les années 80. L’arbre des causes peut être systémique : le problème source peut se retrouver comme cause racine de sa propre existence. Le principe majeur ne consiste pas à éradiquer la cause racine mais à progresser par petit pas. La méthode ne questionne pas le but final qui est “donné” mais l’objectif intermédiaire. Avant d’augmenter l’objectif pour se diriger vers le but il nous faut atteindre l’objectif. Donc il va y avoir un diagnostic de recherche des freins à l’atteinte de l’objectif et des solutions ou stratégies à la suppression de ces freins. Cela peut être la méthode de réduction de douleurs associées à une maladie chronique, en ajustant les molécules pour accroître le mieux être quotidien. Cette méthode “Kaizen” de l’amélioration continue ou de petits pas n’est pas appropriée pour envisager des bifurcation, des ruptures ou innovations. 

La troisième famille de résolution des problèmes se nourrit d'une hybridation entre des approches culturelles multiples. On ne cherche pas à résoudre le problème par le traitement des causes racines ou par une progression pas à pas. Dans l’espace où se produit le problème : le pôle défectueux, il faut prêter attentions aux autres pôles vertueux  qui fonctionnent  et aux pôles potentiels à développer ( espace de métamorphose, de bifurcation, ou d’innovation). Le pôle problématique doit être relativiser, ne pas mobiliser toutes les ressources mais seulement celles nécessaires à rendre la problématique tolérable, compatible avec le fonctionnement global. Ce problème ne doit pas immobiliser la personne, la rendre prisonnière d’un passé révolu et inutilement réactivé mentalement dans l’instant présent.     

L’ACT est typiquement représentative de cette troisième famille de méthodes. Cela n’interdit pas d’utiliser des méthodes issues des familles 1 et 2. Elle chapote la boîte à outils et ouvre les portes des potentiels disponibles. Ses sources culturelles sont très variées : 

  1. culture de la pratique de la pleine attention (ou méditation libérée des dimensions philosophiques ou religieuses bouddhiques)
  2. pragmatisme américain et canadien ACT inventée par un psychologue américain
  3. le taoïsme chinois : tout ce qui doit être fait sera effectué et tout ce qui ne doit pas être fait ne sera pas réalisé (maîtrise de l’énergie)
  4. psychologie de C. G. Jung intégrant les approches du développement personnels et de certaine démarches positives
  5. les approches de l'extrême orient  sortant du dualisme et de la flèche du temps pour prendre en compte la vision hologrammatique 

Pratique et assimilation de la boîte à outils de l’ACT : 

Trois actes ou canaux d’action sont en interaction : posture d’observation de ce qui est, posture de prise en compte et de détachement de la problématique  et enfin posture d’action pour diriger l'énergie vers le but ou l’essentiel du choix de vie. Les 6 processus caractéristiques de l’ACT s'inscrivent dans ces trois postures.

La posture d'observation : 

Le processus de pleine attention ( méditation de pleine conscience) conduit la personne à se focaliser dans l’instant présent : observation neutre, sans jugement, de pleine empathie avec soi- même ou avec la personne accompagnée. 

Le processus de contextualisation de la personne : la personne qui observe ou est observée n'est ni le moi ni le surmoi conscient (cf Freud) mentalisé ni encore le passé envahissant l’espace mental présent. La personne observe depuis la conscience silencieuse du soi profond (cf Jung), ce qui lui permet de prendre distance avec les processus de mentalisation.

La posture de caractérisation du problème : 

 Le processus d’acceptation de la réalité, du problème, de l’écart entre ce qui est et ce qui serait souhaité. Cet écart doit être pris en compte objectivement sans jugement ou déni et doit être explicité, écrit voire communiqué. Cette posture exclut les dynamiques de honte, de culpabilisation qui peuvent à leur tour être traitées comme d’autres problèmes et acceptés tels quels. Le processus d’observation permet d'accepter ces différents problèmes comme étant installés et envahissant de l’espace présent. 

Le processus de défusion s'appuie sur le processus de contextualisation pour se détacher des états de mentalisation (moi - je - égo) vu du “soi profond” ( caméra cachée ). Par exemple, une dépression et les pensées noires associées ont tendance à occuper tout l’espace mentalisé du moi. Cependant la prise de “conscience” depuis le soi profond que seule la mentalisation du moi pensant, jugeant ou culpabilisant est envahi par la problématique qui tourne en rond et gonfle sans limite permet cette défusion. L’espace de défusion libéré est celui qui permettra l’action potentielle. 

Acceptation et défusion permettent de prendre  en compte la ou les problématiques pour ce qu'elles sont, souvent inscrites dans le passé récent ou lointain. L'objectif ne sera pas forcément de résoudre le problème ou leur cause racine mais de concentrer son énergie et ses actions à ce qui fait sens. 

La posture d’engagement : 

Le processus de questionnement des valeurs va permettre d’identifier le système de valeurs d’aspirations et de buts passés, le référentiel qui a présidé à la conduite de l’itinéraire de vie passé. Les processus d’observation, de contextualisation de soi et de défusions vont permettre de mettre à distance ce système de valeur, d’analyser sa pertinence  et enfin de l’actualiser pour en faire le nouveau guide ou référentiel de l’instant présent et de l’avenir proche. Tout cela est impermanent et s’adapte au contexte actuel de la situation externe comme interne.

Le processus d’engagement va permettre de décider et d’agir en son âme et conscience ( conscience raisonnante du je mentalisant et âme ( appétit de vie) productrice des intuitions non raisonnées mais en résonance. Décider de ne rien changer et de continuer à subir le poids, l'héritage du passé. Au contraire décider de changer, d’évoluer, de bifurquer, d’oser la métamorphose. Ce qui préside à ces choix est aiguillé, mis en relief par le système de valeur actualisé. qu’est-ce que la personne veut profondément vivre aujourd’hui et demain.

Toute décision de ce type, résulte d’un diagnostic d’actions stratégique qui engage la personne à se tourner vers l’avenir, à prendre des risques et à progresser dans l’incertitude. Une décision stratégique n’est pas seulement une forme de bifurcation dans l’instant présent. Un processus de décision stratégique demande du temps, celui de l'expérimentation. Une “caméra cachée”, le soi profond observe la continuité de la décision initiale, celle de s’engager dans ce processus d’évolution. Deux aspects sont à surveiller : la pertinence de la décision initiale et l'efficacité des actions engagées. Des correctifs peuvent être apportés dans un esprit d’amélioration continue.

Voici des exemples de stratégies d'actions orientées vers la vie extérieure.  La prise de décision stratégique orientée vers l’extérieur va par un bouclage systémique agir sur la vie intérieure. Soit la stratégie de lutte contre la souffrance est  conservée. Alors la souffrance va changer de nature mais pas disparaître. Soit la stratégie extérieure s’éloigne de la lutte pour se tourner vers les nouvelles valeurs, les aspirations et les buts essentiels (pensées positives). les souffrances intérieures seront réduites à la part non mentalisé, non réductible mais ne tiendront plus le devant de la scène comme décrit dans le schéma suivant : 

La prise de décision stratégique, pour être efficace et pertinente exige de mobiliser quatre sous processus ou postures :
a)la puissance de l’engagement c’est à dire l'acceptation de cette nouvelle réalité à venir

b) la fidélité par rapport à cet engagement, fidélité par rapport au soi profond

c) le sens de l’autodiscipline qui assure l’efficacité et la cohérence

d) l’acceptation de l’incertitude et de l'incomplétude liées à la prise de risque 

L’ACT est une démarche hologrammatique. La mise en œuvre de chacun des six processus : pleine attention - sujet contextualisé - acceptation - défusion - valeurs - engagement, implique la mise en œuvre des autres processus. Par exemple, acceptation de la défusion, de la contextualisation, de la pleine attention, du nouveau système de valeur et de l’engagement.

La thérapie, la théorie ou encore la stratégie, représente le T de l’ACT suivant le type de problème abordé. Gardons l’acronyme avec le sens le plus général : Théorie de l’Acceptation et de l’Engagement.

L’ACT est un processus psychique (mentalisation, attention et conscience étendue). Elle est cependant en relation directe avec le biologique (psychosomatique).

Le cerveau, à la différence des autres organes du corps, ne se répare pas. Quand se produit une lésion, celle-ci demeure. Les processus cérébraux organiseront un autre cheminement avec parfois des phases d'apprentissages régressifs. Quatre processus d'adaptation ou d’évolution sont en présence : 

  1. la plasticité neuronale ( activation ou renforcement de synapses)
  2. l'inhibition de circuits neuronaux  : processus lié au recyclage neuronal qui permet une évolution des processus en réutilisant la circuiterie.
  3. le recyclage neuronal de circuits existants
  4. la création de nouveaux neurones dans principalement deux noyaux importants ( dont la neurogénèse de l'hippocampe et du gyrus denté qui aident à mémoriser les nouveaux souvenirs).

La neurogenèse est particulièrement dynamisée par l’activité physique, l’apprentissage, la stimulation mentale, le stress chronique maîtrisé et certains médicaments. 

L'inhibition est un processus lié au recyclage neuronal qui permet une évolution des processus de mémorisation - remémoration : plus une pensée tourne dans la tête, plus elle renforce la perméabilité synaptique, plus elle renforce sa présence dans le mental. La pratique de la pleine attention a pour conséquence de réduire voire supprimer ce renforcement. Le questionnement des valeurs comme l’engagement aide à renforcer d’autres domaines de pensée plus attractifs et pertinents.

Il existe des contre indications   à l’utilisation de l’ACT : 

Contres indications absolues : 

psychoses non contrôlées et troubles sévères de la personnalité

Contre indications relatives (nécessite une évaluation qualifiée)

troubles dissociatifs, traumatismes récents, crises suicidaires

L'ACT peut être particulièrement pertinente pour les personnes souffrant d'anxiété, de dépression, de stress, de douleur chronique, de traumatismes, ou de difficultés à gérer leurs émotions et leurs pensées difficiles. Elle fonctionne aussi très bien pour le développement personnel, le développement de compétences et le questionnement du sens , la spiritualité.