Les Grands Moulins de Villancourt : hier, aujourd'hui, demain ...
Publié par Laurent Ageron, le 26 mars 2015 2.6k
Retrouvez tous les mois un épisode relatant la vie de ceux qui ont façonné ce site emblématique de l'agglomération grenobloise. Réalisation : service des archives municipales de la ville de Pont de Claix.
Chapitre 2: La terre ou l'usine, il faut choisir !
Où l'on voit les entreprises familiales accompagner l'essor de la révolution industrielle et investir pour financer les machines et stabiliser la main d’œuvre nécessaire. Les facteurs géographiques, si favorables soient-ils ne suffisent plus au développement industriel, lequel va sceller le destin de Pont de Claix et préparer les beaux jours des Moulins de Villancourt.
Dans la seconde moitié du dix neuvième siècle le Cours qui relie Grenoble à Pont de Claix porte alors le nom de Saint André (1), il est pour Stendhal l'enfant du pays, une « idée à la Lenôtre, placée au milieu des montagnes sauvages» , d'un effet « admirable»; une promenade très prisée : près, prairies,champs,bois et vergers se succèdent depuis Grenoble jusqu'à l'embranchement de deux routes nationales (l'une en direction de Vizille , l'autre de Sisteron) qui avant la cité ouvrière des papeteries, offrent à la vue les seules et rares maisons du parcours. Le bois qui sert à fabriquer le papier se trouve « en quantité presque illimitée dans les environs » note l'administrateur de la fabrique dont les ouvriers représentent à la fin des années 1870 le tiers de la population recensée pour la première fois. C'est à l'existence d'un canal dérivé de la Romanche que Madeleine Brun (2) attribue l'installation de «deux moulins à farine, piloirs à plâtre et à ciment, pressoirs à huile , une taillanderie , charpentiers, menuisiers ( ...) et nombreux petits commerces ». Dans la foulée, la construction d'un gare PLM, du deuxième pont sur le Drac ( le premier date de 1611), l'installation le long du cours en 1895 d'une usine de fabrication de boutons pression et la spécialisation des ateliers de construction mécanique Magnat et Simon dans la fourniture de matériel pour le traitement des chiffons (3) scellent pour longtemps l'avenir industriel de la commune.
La « ville au cours » a son moulin …
On compte en France au début du XIXè siècle, un moulin à eau ou à vent pour 300 habitants ; en 1896, on en dénombre 37 051 en fonctionnement. L'acte officiel du règlement des cours d'eau non domaniaux signé de l'ingénieur du service hydraulique de l'Isère en1869 nous apprend que Messieurs Dorel Frères et Maurel, négociants à Grenoble «sont en voie de construire un moulin à blé dans la propriété qu'ils possèdent sur le territoire de la commune de Claix, sur le bord gauche de la route impériale N° 75, de Chalons sur Saône à Sisteron , vers la borne kilométrique n° 6 » . A cet effet, les eaux du canal de la Romanche doivent être dérivées. Elles le seront au moyen d'un barrage fixe surmonté d'une vanne mobile sur le canal existant; un canal de 3 mètres de large est creusé pour qu'elles s'y déversent et actionnent les machines, après avoir traversé la contre allée à couvert. Un déversoir suivi d' un canal de décharge d'une superficie de 4 m chacun sont prévus en amont de l'usine pour rendre l'eau à son lit naturel. Invité à évoquer les souvenirs des jeudis de son enfance passés aux Moulins dans les années 1920, le fils du propriétaire (4) raconte qu'il y venait avec ses frères à vélo ( et avec son pique-nique ! ) depuis Grenoble, que l'eau du canal était « torrentueuse » et que les contre- allées du Cours « c’était ce qu’on appelle des allées cavalières, y’avait beaucoup d’officiers, de sous –officiers qui s’entraînaient à cheval , des civils, des dames qui faisaient du cheval, là,sur les deux contre- allées... ».
(2) Pont de Claix , étude d'une bourgade industrielle récente, in Revue de géographie alpine, 1940, tome 28 n° 2
pp. 199-211, www.persee.fr
(3) Les établissements Magnat Simon fondés en1842 contribuent initialement à la création et au développement de l'industrie hydraulique et pendant de longues années fournissent vannes, robinets et turbines de divers types.
(4) Albert Ferradou, entretien du 30 septembre 1989 réalisé par A. Cayol-Gérin dans le cadre de son étude patrimoniale « Moulins de Villancourt, 110 ans de mouture ».