Les Grands Moulins de Villancourt : hier, aujourd'hui, demain ...
Publié par Laurent Ageron, le 8 janvier 2016 4.4k
Légende : 1917 : dans l'entreprise Magnat-Simon qui était située dans l'actuelle rue Benoît-Jay, on remplit les obus... (archives municipales, don de Monsieur Sabatier dont le père était employé à l'usine).
Retrouvez tous les mois un épisode relatant la vie de ceux qui ont façonné ce site emblématique de l'agglomération grenobloise. Réalisation : service des archives municipales de la ville de Pont de Claix.
Chapitre 7 : « Ah Dieu que la guerre est jolie ! »
( G. Appolinaire, 1880-1918)
1870,1914 : les conflits sollicitent les forces économiques : à Pont de Claix, la papeterie produit du coton à nitrer pour la poudre, la fonderie fabrique des obus, l'atelier de chargement les charge, le chlore liquide qui compose les gaz de combat s'installe, bientôt le moulin tourne à plein régime pour la fabrication de la farine du biscuit du soldat : la guerre emploie les hommes au front et les femmes à l'usine, et les empires s'édifient.
"Ils ont déversé sur une distance de 8 km, sur le front belge, 6000 bidons de chlore liquide sur les troupes françaises qui ont battu en retraite" (1) Ces quelques mots disent comment pour la première fois le 22 avril 1915, les gaz de combat sont utilisés dans un conflit armé. Parce que leurs sites sont suffisamment éloignés du front et en zone non occupée, l’État français choisit alors les localités de Jarrie et Pont de Claix pour l'implantation d'usines de chlore liquide ; Elle est confiée à la famille Gillet, de Lyon, qui règne sur un puissant groupe où les textiles artificiels (Société Nationale de la Viscose) se développe en même temps que la chimie du chlore. En 1918, peu de temps après la signature de l'armistice, le groupe Gillet rassemble en une même structure toutes les activités chimiques et fonde la société Progil. Quelques années plus tôt, le marchand de grains, farine et fourrage Pierre Brun, à la tête d'une affaire prospère, diversifie ses activités : "les besoins d'une armée en attente de la prochaine guerre sont importants. Grenoble, ville de garnison, compte huit mille hommes de troupes ; chevaux et mulets sont les principaux moyens de transports et de locomotion. La fourniture aux Subsistances militaires prend une place importante dans (leurs) activités. Le moulin de la capuche devient l'usine des Murailles pour le compressage à vapeur du fourrage qui arrive en gare de Grenoble par trains entiers." (1). Les Brun assurant le transport de leur propre marchandise, ils le font pour les autres et développent bientôt une société de transport à vapeur sur route tout en se targuant d'un "embranchement particulier avec la gare". En 1904, les successeurs Alphonse et Gaëtan Brun regroupent toutes leurs sociétés en une seule : commerce de grains, farine et fourrage, exploitation d'un moulin à La Capuche, atelier de pressage mécanique à vapeur pour fourrage haute densité, location de sacs neufs, fabrication de pain de guerre et tout autre article de boulangerie et biscuiterie, fourniture de subsistance militaire, transports de la guerre, exploitation d'une usine de distillage de betteraves (2), cylindrage des routes avec rouleaux compresseurs à vapeur et autres travaux s'y rattachant, transport mécanique tous tonnages et toutes routes, travaux industriels et commerciaux , location d'engins agricoles…
« voyager est le plaisir du meunier »
( proverbe)
En 1909 la société du canal d'arrosage de la Romanche concède l'autorisation de dériver les eaux du canal intérieur du cours Saint André "pour s'en servir à faire mouvoir les artifices de l'usine de Villancourt" aux nouveaux propriétaires des lieux. Ils ne sont pas moins de sept et créent un an plus tard la société anonyme des moulins de Villancourt : la concession est consentie pour trente ans, elle ne change rien à l'existant ( vanne de retenue, canal d'amenée et canal de fuite ) pas plus qu'elle ne s'engage sur les volumes d'eau fournie, les sommes dues s'échelonnent de 1 200 francs les premières années à 2 000 à partir du 1er juillet 1929. Les créances des propriétaires successifs depuis 1868 (Dorel et Guerin) sont annulées : que le banquier Albert Ferradou, au nom de la banque qui porte son nom ait, dès 1905, par lettre recommandée, réclamé au moulin le paiement de traites n'est peut être pas étranger à cette affaire ; ce dernier se retrouve en effet parmi les actionnaires avec Henry Merlin propriétaire, demeurant à Rochefort, commune d'Allières et Risset, Jules Neyton, propriétaire, demeurant rue des Eaux Claires à Grenoble, Jules Martin industriel demeurant boulevard Gambetta à Grenoble, Régis Bellier négociant, demeurant place Grenette à Grenoble et Eugène Frappat, industriel demeurant à Romans.
(1) IN : « Les biscuits Brun, jalons sur un parcours glorieux mais tourmenté », Clément Bon, SMH Histoire-mémoire vive n°5
(2) Dans le quartier de la Croix Rouge à Saint Martin d'Héres, les Brun se sont d'abord associés au maire de Grenoble, Stephane Jay dans cette affaire de la « distillerie agricole de Grenoble »qui fournira à l'armée l'alcool nécessaire à la fabrication d'explosifs lors du premier conflit mondial.