L’open science, un levier pour réduire la fraude ?
Publié par Arthur Larpent, le 18 décembre 2018 2.4k
Grâce aux politiques d’ouverture de la donnée de recherche, le développement de la science ouverte pourrait être à l’origine d’un nouveau moyen de détection de la fraude au sein des publications scientifiques.
Si la nature du rapport entre sciences et société reste sujette à débats, il s’en dégage toutefois l’émergence d’une demande de la seconde envers les premiers. En effet, le public tend à réclamer la transparence totale des modes de production de la connaissance, à ouvrir ces fameuses “boîtes noires” définies par Bruno Latour il y a déjà plus de trente ans. Une demande justifiée par les nombreux scandales des dernières décennies, du sang contaminé à la création de maladies, qui imposent la nécessité de ne plus laisser le seul contrôle de la connaissance aux “experts”. Hors, un début de réponse pourrait bien se profiler à l’horizon, à travers un mouvement progressif d’ouverture de la donnée scientifique.
De l’ouverture de la donnée à l’open science
Ce mouvement, qui a commencé à germer en 2003 avec la déclaration de Berlin sur le libre accès à la connaissance, prône en effet la liberté de consultation des bases de données constituées par les chercheurs aux cours de leurs expérimentation ou observations. Il fait bien évidemment lui aussi débat, notamment à cause des questions éthiques ou économiques qu’il soulève, mais il a donné naissance à ce qu’on appelle aujourd’hui l’open science, littéralement la “science ouverte”. Définie comme “la diffusion sans entrave des publications et des données de la recherche” par le Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, cette science ouverte propose ainsi une nouvelle façon de contrôler la qualité des productions scientifiques.
En réalité, les scandales ne sont que la partie émergée de l’iceberg. La course à la publication dans laquelle les chercheurs sont entraînés, qu’on résume couramment par le slogan “publish or perish”, est un problème bien plus sournois. L’intensification de l’évaluation des travaux de recherche à travers leurs publications amène régulièrement des scientifiques à falsifier leurs données pour obtenir les résultats idéaux qu’ils auraient potentiellement fait miroiter à leurs financeurs. D’autre part, l’augmentation du nombre de publication qu’elle implique provoque un essoufflement du système de “peer review”, dans lequel les travaux d’un chercheur sont examinés par ses pairs. Des examinateurs qui sont par conséquent sur-sollicités et qui conduisent le modèle actuel face à un mur.
Des réseaux sociaux anti-fraude
Ce mur, la science ouverte pourrait bien l’abattre. En permettant la consultation par un plus grand nombre de personnes qu’un groupe restreint de reviewers, l’open science décale ainsi la critique des travaux après leur publication, comme c’est le cas de F100Research, qui permet l’évaluation des contenus à travers un système de commentaire public. L’auteur est ensuite encouragé à apporter des modifications à sa publication afin de rectifier les éventuelles erreurs soulevées par ce dispositif d’open peer review. Ainsi, un tel système répond aux critiques des revues scientifiques en open access, qui ont déjà été pointées du doigt par le passé pour avoir laissé passer des canulars dans leurs contenus.
Il faut dire que l’open access a un coût, et que si le lecteur ne paie pas pour lire, alors c’est l’auteur qui doit payé pour être publié. Par conséquent, le risque que les revues soient moins regardantes si l’auteur y met les moyens existe bel et bien. Mais F100Research n’est heureusement pas un cas isolé en matière de critique scientifique. En fait, de nombreux espaces de dialogues se sont ouverts pour mener une “chasse à la fraude”, fonctionnant comme de véritables réseaux sociaux scientifiques. Par exemple, sur des sites comme Retraction Watch, des internautes s’appliquent à recenser les articles qui ont été retirés après leur publication dans des revues, afin d’identifier les auteurs susceptible de frauder régulièrement. Des nouvelles pratiques qui utilisent ainsi l’open access pour reprendre les codes de fonctionnement du web social, au service de la qualité des travaux de recherche.