Communauté

Le Master CCST

"À flore de peau" : une expérience immersive de sensibilisation à la préservation de la flore alpine

Publié par Maïa Sallier, le 8 novembre 2021   3.7k

Comment scénariser l’information scientifique ? C’est la question que se sont posés les étudiants du Master 2 en Communication et Culture Scientifique et Technique (CCST) de l'Université Grenoble-Alpes, pendant une semaine animée par Laura Schlenker, vidéaste à La Fabrique Média et formatrice en Design Thinking.

Leur objectif de la semaine ? Proposer un prototype de dispositif de médiation et de sensibilisation à la préservation de la flore alpine : une commande faite par le réseau Flore Sentinelle.

Flore sentinelle, un réseau transdisciplinaire 

Combes à neige, Parc Naturel Régional du Queyras © Galanne Cestre-Lambert

Dans le cadre du projet #CROSCUS, porté par le Labex ITTEM, le master CCST de l’UGA est parti dans le Parc National des Écrins du 27 septembre au 1er octobre 2021 à la rencontre des acteurs du projet Flore Sentinelle. Ce dernier est un dispositif rattaché au projet plus global Sentinelle des Alpes, s’exerçant sur la Zone Atelier Alpes. Créé en 2008 sous la coordination du Conservatoire Botanique National Alpin (CBNA), Flore Sentinelle est un réseau d’acteurs rassemblant laboratoires, collectivités territoriales, associations ou encore des établissements publics, dont l’objectif commun est d’identifier et de comprendre les évolutions de la flore et de son habitat pour le suivi des changements globaux dans les Alpes françaises. Ainsi,  en développant les échanges, en mutualisant leurs connaissances et leurs compétences, ils mettent en œuvre des actions concertées de préservation de la flore dans l’arc alpin. 

C’est en se plongeant au cœur des Écrins, en arpentant les chemins du Jardin du Lautaret, et en approchant des combes à neige dans le Parc Naturel Régional du Queyras, que les étudiants du Master ont pu rencontrer l’équipe de Flore sentinelle. Une mission leur a alors été confiée : à partir des observations effectuées en immersion sur le terrain, proposer des idées de communication et de médiation scientifique autour du projet Flore Sentinelle.

Après l’observation, le retour d’expérience

En partant de la gauche : Nevenig Robert, Maïa Sallier, Léna Gauthier, Olivier Katz © Olivier Katz

Nous sommes quatre étudiants du Master CCST (cf photo ci-dessus). Nous avons été confrontés pendant une semaine aux enjeux et aux limites auxquels les acteurs de Flore Sentinelle se mesurent. Laura Schlenker a recueilli nos témoignages : impressions, questionnements et critiques.

Cette étape d’empathie est la première d’une méthode en 5 étapes que nous a présenté Laura Schlenker. En effet, la méthodologie du Design Thinking, aide à transformer les idées et projets en actions et prototypes. Le but est d’apporter des solutions pertinentes à une problématique en partant de l’écoute des besoins des personnes concernées.

À partir de nos retours, nous nous sommes répartis en groupes afin de pouvoir remplir nos divers objectifs. Il s’agissait en premier lieu de définir une problématique émanant des résultats de l’enquête de terrain dans les Écrins, puis scénariser et prototyper un dispositif transmédia. Plusieurs problématiques ont été dégagées par nos groupes, allant de la communication interne de Flore Sentinelle à la sensibilisation des enfants à la conservation des espèces patrimoniales. 

Notre cible : les nouveaux randonneurs des Alpes

Affiche réalisée par notre groupe © Léna Gauthier

Nous sommes partis d’un constat simple, formulé par la chargée de communication du projet dont le mot d’ordre était “Je suis à l’écoute de vos idées et de vos remarques !”.

La crise sanitaire actuelle (pour les voyageurs du futur : la CoVid-19) a complètement changé les dynamiques touristiques dans le monde entier. Alors que la majorité des sites touristiques ont subi une baisse drastique de leur nombre de visiteurs, les territoires de montagnes, eux, sortent grands gagnants de cette pandémie.

Gagnant ? Pas forcément… Même si ce changement a une image positive, il pose problème pour la biodiversité alpine. Effectivement, la préservation de la flore se fait grâce aux comportements attentifs de la part des randonneurs aguerris. L'arrivée de nouveaux publics, des nouveaux touristes, néophytes des espaces de montagne, vient peu à peu dégrader les habitats des fleurs alpines. 

C’est ce public, les nouveaux randonneurs, que nous avons cherché à toucher pendant cette semaine de création. Avec un objectif double : montrer la beauté, la diversité et la fragilité de la flore Alpine, et sensibiliser sur sa protection en modifiant nos comportements en randonnée.

De cette réflexion s’est dégagée une problématique de travail : “Comment sensibiliser les nouveaux randonneurs à la préservation de la flore alpine et de son habitat sans le compromettre ?”. 

Vivre l’expérience montagne sans y mettre les pieds

Brainstorming collectif d’idéation © Léna Gauthier

Afin de permettre à chaque groupe de travail de trouver l’idée la plus pertinente de dispositif transmédia à mettre en œuvre pour répondre à sa problématique, nous nous sommes tous mobilisés et avons réfléchi collectivement. Après quelques exercices de théâtre et d’improvisation permettant d’échauffer notre intelligence collective, nous étions prêts à faire fonctionner notre muscle de la créativité.

Pour cela, la promotion s’est regroupée devant notre affiche scotchée au mur, et chaque étudiant a écrit sur un post-it une idée de dispositif permettant de répondre à notre problématique. 

Un nuage de post-it s’est alors dressé sur le mur. Parmi les multiples idées proposées, nous avons sélectionné nos idées préférées grâce à un vote du cœur et de la raison. C’est presque unanimement que nos votes se sont portés sur les post-it où était inscrit : Réalité virtuelle, caméra 360° et mallette immersive 5 sens. De ces 3 idées s’est peu à peu dessiné la forme de notre dispositif.

La meilleure solution pour préserver les fleurs patrimoniales, c’est de ne pas s’en approcher, mais encore faut-il reconnaître ces espèces vulnérables et leur lieu de vie. Comment s’y rendre sans les compromettre ? Pour ce faire, quoi de mieux qu’une technologie en plein essor : la réalité virtuelle !

Léna Gauthier portant un oculus, un casque de réalité virtuelle © Olivier Katz

Grâce à des casques de VR (Virtual Reality), l’utilisateur réalise une balade virtuelle sur mesure lui permettant d’aller là où il n’aurait pas l’occasion de se déplacer dans “la vraie vie” et de découvrir un monde insoupçonné. Dans son oculus, défileront sous ses yeux les différents habitats étudiés par Flore Sentinelle en captation 360°. 

Comme nous l’avions expérimenté pendant notre sortie sur le terrain dans les Écrins, il fallait trouver un moyen d’éveiller les 5 sens des touristes pour leur proposer une expérience unique, ludique et ainsi stimuler les différents types de mémoire (olfactive, visuelle, auditive, gustative, et tactile). C’est là que l’expérience immersive est poussée à son paroxysme. Grâce à des objets, les curieux pourront littéralement marcher sur une combe à neige (un tapis en gazon sera placé sous leurs pieds nus), sentir l’odeur d’un mélèze (un échantillon de parfum sera porté à leur nez), ou encore toucher du doigt une micro-forêt tout en écoutant une voix off racontant les bons gestes pour préserver la fleur et son lieu de vie.

Flyht case “À flore de peau” © Maïa Sallier

Concrètement, le dispositif est un kit sensoriel présent dans une flyht case. À l'intérieur de celui-ci, se trouvent plusieurs casques de réalité virtuelle, le matériel de stimulation sensoriel ainsi qu'un livret de prise en main. Il sera accessible dans des lieux stratégiques fréquentés pendant la saison estivale par les nouveaux randonneurs : offices de tourisme, Jardin du Lautaret et Maisons du Parc des Écrins par exemple.

Nous nous sommes fixés de réaliser une vidéo attrayante de présentation, qui pourrait être diffusée sur les réseaux sociaux et les sites internet des lieux accueillant les nouveaux randonneurs. 

"Vous auriez un thé qui sent la forêt ?" by Léna Gauthier 

Avec notre idée de dispositif en tête, l’étape de prototypage a commencé. Le challenge : 24h pour réaliser une petite bande annonce du dispositif “À flore de peau”.

© Léna Gauthier

Pour cela, nous devions emprunter tout le matériel nécessaire. Afin de gagner du temps, Maïa et Léna sont parties en quête de trois éléments incontournables au projet dans les boutiques de Grenoble : de l’herbe synthétique, des senteurs, et un casque de réalité virtuelle empruntable pour les plans vidéo. L’herbe synthétique aura été relativement simple à trouver, les vendeurs de l’enseigne Mr Bricolage, bien que surpris par la demande, n’ont pas hésité à nous prêter 1 m² de pelouse synthétique.

La recherche de senteurs nous rappelant les Écrins à été plus originale. Nous avons continué nos pérégrinations dans diverses enseignes “bio”, parfumeries et autres magasins de thé en posant la question : "Auriez-vous quelque chose qui sente la forêt ? Nous avons finalement trouvé un échantillon d’huile essentielle de Pin sylvestre chez Nature et Découverte.

Concernant le prêt d’un casque de VR, après une tentative échouée auprès de la Fnac, nous avons appelé la salle d’arcade du Nautilus de Grenoble proposant des jeux en réalité virtuelle afin de pouvoir réaliser des plans avec un oculus.

Quelques exemples de plans vidéo © Olivier Katz

Pour réaliser notre vidéo de présentation, c’est au Parc Paul Mistral et au Parc des dauphins de Grenoble, des cadres naturels souhaités, que nous avons rapidement réalisé nos différents plans, Léna, Maïa et Nevenig se prêtant au jeu d’acteur tandis qu’Olivier cadrait et filmait. 

1, 2, 3 : Bricolez ! 

Casque de VR en carton DIY dans les mains de Nevenig Robert © Laura Schlenker

La réalisation de la vidéo de présentation du dispositif n’était pas le seul objectif de la journée de prototypage, il s’agissait également de pouvoir présenter un dispositif tangible, donnant à voir les possibilités du projet. Pendant qu’Olivier montait la vidéo, le reste du groupe s’est donc livré à la conception d’un casque VR artisanal en suivant des tutoriels DIY sur YouTube. D’après un patron de casque trouvé en ligne, nous avons réalisé la structure du prototype, pour ensuite y ajouter deux lentilles grossissantes. Une fois encore, il nous a fallu user des moyens du bord, les lentilles étant le résultat d’une découpe minutieuse de bouteille en plastique pour obtenir plusieurs cercles de plastique incurvés, que nous avons ensuite collés ensemble et remplis d’eau pour l’effet loupe.

Vidéo effet 360° diffusée sur un smartphone © Olivier Katz

Pour que le casque ai un intérêt, Olivier a également produit une vidéo effet 360° à partir d’une image 360° d’un paysage des écrins disponible en ligne

Il était une fois, les combes à neige...

Pour une immersion totale, Léna et Maïa ont écrit le script d’une voix off énonçant simultanément ce que l’utilisateur voit dans le casque et proposant des actions à effectuer. À partir de la documentation scientifique transmise par le CBNA (cf fin de l’article), nous avons créé un texte expliquant la fonction des combes à neige, un habitat étudié par Flore Sentinelle pour ses propriétés singulières. Entre écoute et action, l’utilisateur est sensibilisé à la protection de la flore alpine et aux comportements à adopter. 

Enfin, pour permettre aux utilisateurs de s’approprier le dispositif de manière autonome, Nevenig a rédigé une note servant de carnet de prise en main expliquant le contexte de l’immersion ainsi que les consignes à suivre pour les accompagnants. Ainsi tous les participants deviennent des acteurs de l’expérience et se retrouvent impliqués dans l’atelier de médiation.

"On a l'impression d'y être !" By Clémentine Martin

Maïa présentant le moodboard du dispositif “À flore de peau” à la promotion © Galanne Cestre-Lambert

Après une journée riche en anecdotes, place à la phase test du prototype auprès de nos camarades de promotion. Pitch du projet, présentation de notre moodboard, diffusion de notre vidéo et mise en situation de notre prototype.

Test du dispositif avec Clémentine Martin © Laura Schlenker

Clémentine Martin s’est portée volontaire pour être la première cobaye du dispositif “À flore de peau”. C’est pieds nus, sur un tapis en gazon synthétique matelassé, qu’elle s’est laissée guider par le récit de Léna sur les combes à Neige. Dans son casque en carton, la vidéo 360° des Ecrins diffusée sur son smartphone. Au cours du récit, Clémentine a pu ressentir la brise fraîche de l’altitude grâce à un éventail agité par Nevenig, sentir l’odeur des mélèzes grâce à l’échantillon Nature et Découverte portée sous son nez par Maïa ou encore prendre le goûter de randonné grâce à un morceau de chocolat donné par Maïa.

Un futur éventuel pour notre prototype ? 

Cette phase de test nous a permis de déceler les failles de notre dispositif et de penser aux améliorations possibles pour son éventuelle réalisation future. 

Si le projet à plu, il a tout de suite semblé évident pour nos cobayes qu’il pourrait s’agir d’un bon atelier à présenter lors de manifestations comme lors de la Fête de la Science car cela permettrait de toucher un public potentiellement plus large : “Un dispositif Art-Science !” a-t-on entendu. 

La pertinence d’un dispositif ne nécessitant pas l’intervention d’un médiateur ou d’intervenants à été questionnée, mais l’aspect “clefs en main” du flight case accompagné de notices et de notes d’explication semble avoir rassuré et a été approuvé.

Notre projet s’achèvera officiellement le 23 novembre lors de la soutenance du dispositif devant 30 membres du réseau Flore Sentinelle. Sur les conseils de Laura Schlenker, nous avons préparé une présentation sous la forme d’un Pecha Kucha. Le principe ? Une présentation dynamique où 20 slides sont présentés en 20 secondes chacunes. Six minutes et 40 secondes, qui présentent l'essentiel de notre projet. S’en suivra une démonstration de notre prototype. À l'issue de cette soutenance, les commanditaires de Flore Sentinelle pourront choisir d'intégrer ou non un des projets monté par les groupes à leur plan de communication. Alors qui sait, vous pourrez peut-être tenter l’expérience “À flore de peau” à votre tour ?

Un article coécrit par Léna Gautier, Olivier Katz, Nevenig Robert, et Maïa Sallier, étudiants en Master de Communication et Culture Scientifique et Technique de l’Université Grenoble-Alpes. 

Sources et inspirations