L'agroécologie : vers la fin de l'agriculture intensive ? - par Laura Gonzalez Tapia

Publié par Mathilde Chasseriaud, le 5 avril 2018   6.7k

- Chronique rédigée et présentée par Laura Gonzalez Tapia pour le MagDSciences -

>> Chronique ré-éditée pour Echosciences par Mathilde Chasseriaud <<


Vincent Bretagnolle (Photo CO - Marie Delage)

Un sujet sur lequel Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au CNRS et à l'Université de la Rochelle se penche depuis plus de dix ans. 

Pour le chercheur, le modèle d'agriculture productiviste n'est aujourd'hui plus la solution car il détruit l'environnement, nuit à la santé et n'est plus viable économiquement

Face à cette réalité, le chercheur a décidé de mener une étude de taille. En 1994, il crée la « Zone Atelier Plaine et Val de Sèvre », un territoire de plus de 450 kilomètres carrés de plaines céréalières, au cœur du département de Deux-Sèvres où l'on cultive du blé, du colza, du maïs et de la luzerne. 

La particularité de cet endroit c'est que le type d'agriculture mené dans ces exploitations s'appelle l'agroécologie, « une agriculture durable qui utilise les ressources de la nature pour se développer ». 

Le point fort de cette étude repose sur le fait que les expérimentations sont menées en conditions réelles : un grand nombre d'agriculteurs se sont prêtés au jeu. Résultat : plus de 400 exploitations agricoles font partie de l'étude.


Des productions non affectées par la réduction d'herbicides et engrais

Parmi les différents études réalisées, ils se sont intéressés à l'utilisation de 2 produits :

  • pour le premier, ceux sont des herbicides : des produits qui vont éliminer les adventices, couramment appelées les « mauvais herbes » qui sont en réalité des plantes sauvages des champs et qui seraient considérées comme nuisibles à la production agricole,

  • le deuxième produit, les engrais azotés dont leur rôle reste ambigu d'après le spécialiste car, s'ils sont bénéfiques pour les céréales, ils le seraient aussi pour les adventices.


Après 10 ans d'étude et d'étroites collaborations entre chercheurs et agriculteurs, ils récoltent le fruit de leurs efforts. Sur la zone Atelier, les experts ont réduit les doses de ces deux produits et ont observé les conséquences. Selon Vincent Bretagnole et son équipe : 

 Réduire l’apport d’herbicides et d’engrais azotés de 30 à 50 % lorsqu’ils sont utilisés massivement n’a aucun effet sur la production, qui reste stable 

En d'autre termes, si les agriculteurs réduisent de moitié les doses de pesticides, leur production ne se voit pas affectée. Conséquence : les agriculteurs voient une nette augmentation dans leurs revenus. Car, qui dit moins de produit utilisé dit moins de produit acheté et moins d'essence dépensée pour sa dispersion. Certains agriculteurs font jusqu'à 200 € d'économie par hectare ! 

Les résultats de l'étude montrent bien qu'il n'y a pas de lien entre herbicides, adventices et production. Vincent Bretagnolle affirme ainsi que :

 Les rendements agricoles n’augmentent plus depuis vingt ans, et ce malgré l’amélioration continue des variétés cultivées. On touche aux limites du modèle. 

L'agroécologie :  une alternative au modèle actuel ?

D'après les expériences menées sur la zone Atelier, l'agroécologie pourrait être une solution. En effet, parmi les études réalisées dans la zone, les chercheurs ont aussi porté leur attention au rôle des insectes pollinisateurs (les abeilles par exemple). 

La triste réalité est qu'il y a une forte diminution des insectes en nombre mais aussi en biodiversité ce qui, d'après les chercheurs, a des conséquences directes sur la production agricole.
Pour arriver à ce constat, les spécialistes ont réalisé l'étude suivante : des exploitations de colza et tournesol ont été encerclées afin qu'aucun insecte puisse y avoir accès. Les rendements de ces parcelles ont été comparés à celui de parcelles particulièrement riches en haies et prairies, lieu de prédilection des insectes.

Résultat : la présence des insectes (et principalement des abeilles) favorise de 30% la production agricole. 

Ces études à échelle des territoires nous montrent que la biodiversité joue un rôle primordial  pour le rendement agricole. 


D'après l'expert en agroécologie, tout est lié : les abeilles assurent la pollinisation et les coléoptères vont manger les limaces, les pucerons et même les graines d'adventices, ce qui va permettre un contrôle naturel des ravageurs.

Vincent Bretagnolle lutte ainsi pour promouvoir une agriculture plus saine, plus terre à terre : 

La situation est telle aujourd’hui qu’on ne peut pas se contenter de jouer sur un seul paramètre. C’est le modèle entier qu’il faut changer, et on ne pourra pas le faire sans les agriculteurs .


Sources 


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