L'espérance de vie féminine - par Océane Bartholomée

Publié par Mathilde Chasseriaud, le 19 mars 2018   2.2k

- Chronique rédigée et présentée par Océane Bartholomée pour le MagDSciences -

>> Chronique ré-éditée pour Echosciences par Mathilde Chasseriaud <<


L’égalité hommes-femmes : un sujet de société mais aussi, une affaire de sciences !

En effet, tout le monde sait que l’espérance de vie des femmes est plus élevée que celle des hommes. Ce constat n’est pas valable uniquement pour la population globale : il se retrouve dans des groupes où les membres des deux sexes ont des comportements et des occupations similaires, par exemple chez les moines et les nones qui vivent reclus. 

Le même phénomène se retrouve chez les enfants en bas âge, avec une mortalité masculine plus élevée alors que  des différences de comportements ne peuvent pas encore être à l’origine des différences observées. Ces différences d’espérance de vie sont également observées dans les conditions de vie quotidiennes, en dehors d’épisodes durant lesquels les risques de mortalité sont très élevés (famines, épidémies...). 

Des scientifiques se sont posés la question de savoir si cette différence d’espérance de vie entre les deux sexes persistait durant des périodes de crise.


Espérances de vie et conditions extrêmes

Une équipe de chercheurs européens a cherché à y répondre en se basant sur des populations documentées avec une espérance de vie extrêmement basse (20 ans ou moins) et ce durant une période temporaire. Ils ont pu travailler sur sept populations ayant connu l’esclavage, des famines ou des épidémies.

Parmi les populations ayant connu l'esclavage (Cuba, XIXème siècle), l'espérance de vie masculine se situait entre 15 et 19 ans et l'espérance de vie féminine entre 13 et 21 ans. 

Avant la famine en Ukraine en 1933 , l'espérance de vie pour les hommes était de 42 ans et de 46 ans pour les femmes. Après cet épisode, les hommes ne dépassaient pas l'âge de 7 ans et les femmes l'âge de 9 ans.

Durant la famine de 1772 et 1773 en Suède, l’espérance de vie est tombée à 17 ans pour les hommes et 19 ans pour les femmes. 

La famine en Irlande entre 1845 et 1849 a provoqué un passage de la durée de vie de 38 ans pour les deux sexes à respectivement 19 ans pour les hommes et 22 ans pour les femmes. 

Quant aux épidémies de rougeole qui ont eu lieu en Islande en 1846 et 1882, elles ont ravagé l’île en diminuant l’espérance de vie de 35 à 17 ans pour les hommes et de 41 à 19 ans pour les femmes.


Durée de vie en "conditions extrêmes naturelles" : avantage aux femmes

Nous venons de voir qu'avant et après les crises en Ukraine, en Suède et en Islande, les femmes de ces populations vivaient plus longtemps que les hommes. Cette tendance a persisté durant les périodes de crise pour toutes les populations, avec des femmes vivant plus longtemps que les hommes. La seule exception est pour la population des esclaves des plantations à Cuba où les femmes souffraient d’une mortalité plus élevée jusqu’à leurs 25 ans.

Ainsi, durant les conditions naturelles que sont des épisodes de famine ou des épidémies de maladies contagieuses, les femmes maintiennent leur avantage de durée de vie. Par contre, lors de situations difficiles dépendantes de décisions humaines, tel l’esclavage, il arrive que les hommes aient une espérance de vie plus longue (au moins pour certaines parties de leur vie). Cela pourrait s’expliquer en partie par la valeur monétaire plus élevée d’un jeune esclave masculin par rapport à une jeune esclave. L’inversion de la tendance, avec un taux de survie devenant plus grand chez les esclaves de sexe féminin au-delà d’un certain âge peut être quant à elle liée aux dures conditions de travail des esclaves de sexe masculin.

La seule crise durant laquelle la mortalité a augmenté plus pour les femmes que pour les hommes est durant les épidémies de rougeole en Islande. Cette observation a déjà été faite par ailleurs que la rougeole fait de plus grands ravages chez individus de sexe féminin que de sexe masculin.

Pour revenir aux épisodes de famines, dans des cas de faibles ressources, avoir des enfants augmente le taux de mortalité des parents étant donné qu’ils auront tendance à partager ce qu’ils auront avec leur descendance. En effet, la répartition des ressources peut jouer un rôle clef dans les motifs de survie dans la population. Ces situations exceptionnelles génèrent une rupture des pratiques sociales habituelles. Par exemple, la prostitution devient plus courante, ce qui permet aux femmes la pratiquant d'obtenir des ressources supplémentaires. 


Les hormones et les gênes : des facteurs non négligeables pour l'espérance de vie

La plus grande survie des enfants de sexe féminin durant leur première année de vie, où les comportements n’entrent pas en considération, laisse supposer une implication biologique

Une première piste repose sur les différences hormonales. En effet, les hormones féminines que sont les œstrogènes semblent être à l’origine de l’augmentation du risque pour certaines maladies. 

Une seconde piste est la différence chromosomique. En effet, les femmes ont deux chromosomes X alors que les hommes ont un chromosome X et un chromosome Y. Comme l’information génétique portée par ces deux chromosomes est différente, les hommes ne possèdent qu’une version des gènes présents sur le chromosome X. Cette absence de redondance de l’information génétique est à l’origine de maladies présentes presqu’uniquement chez les hommes, telles que l’hémophilie, une maladie qui est à l’origine d’une limitation de la coagulation sanguine.

Ainsi, certains facteurs biologiques sembleraient s’additionner aux facteurs comportementaux, concourant à une plus longue espérance de vie féminine. 



Sources

>> Article : Zarulli, V., Jones, J.A.B., Oksuzyan, A., Lindahl-Jacobsen, R., Christensen, K., Vaupel, J.W., 2018. Women live longer than men even during severe famines and epidemics. Proc. Natl. Acad. Sci. 201701535. https://doi.org/10.1073/pnas.1...

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