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Vaincu.es par les larmes ? Les émotions politiques en débats
Atelier de l'axe de recherche "Langages & Politiques" et du LUHCIE avec la participation d'Alain Faure, Sarah Rey et Philippos Karaferias.
Les larmes constituent une expression paroxystique de l'émotion. A priori, elles n'ont pas leur place dans l'exercice raisonné de l'État ; pourtant elles surgissent parfois dans l'arène politique. Si elles s'imposent aux acteurs, que révèlent-elles de ce que le pouvoir fait aux individus, pression, honte, sentiment d'injustice ou de défaite, fraternité du sentiment? Si elles sont contrôlées, sont-elles un argument rhétorique ou propagandiste, un instrument médiatique, si elles sont assumées ou dérobées au regard ? L’aveu d’une faiblesse ou une part d’humanité ? Si on les interdit, au nom de quoi ? Peut-on prétendre imposer une politique des émotions ? C'est sur ce thème foisonnant que les trois intervenants ont accepté de débattre et de croiser leurs points de vue, chacun dans sa spécialité, chacun depuis sa spécialité.
Dans Des élus sur le Divan (2018) Alain Faure, en tant que chercheur et politiste a publié les principaux résultats d'une enquête menée de 1987 à 2016, sur quatre pays, France, Canada, Italie, Japon, auprès d'élus locaux. Il a interrogé le métier d'élu local au prisme des émotions et des passions analysant comment elles suscitent l'engagement, forgent les idéaux et aiguillent les arbitrages, comment, enfin, elles façonnent l'individu, au delà de l'élu. Dans ce cadre, comment peut-on analyser les larmes, souvent refoulées, parfois cachées ?
L'historienne Sarah Rey dans Les larmes de Rome (2018) a étudié le rôle historique, anthropologique et culturel des épanchements lacrymaux dans une cité et un empire où la valeur dominante est la virtus, la force de corps et d'âme qui caractérise le vir, soldat et citoyen. Dans cette société dominée par l'idéal du contrôle de soi, les larmes coulent pourtant abondamment. Si César pleure devant ses soldats lorsqu'il franchit le Rubicon, c'est que la rhétorique, sans émotions n'est qu'airain sonnant, mais le rôle des larmes ne se résume pas à celui d'un instrument (encore faut-il savoir comment et pourquoi s'en servir) : elles sont un appel à des formes particulières d'engagement.
Philippos Karaferias, doctorant en littérature et arts du spectacle, étudie la réception de la tragédie grecque dans la Grèce des colonels. La tragédie grecque, dans son contexte de création, inventa un rapport puissant entre émotion et politique et, dès l'Antiquité, on reconnut aux larmes versées par les spectateurs des vertus collectives purgeant par la catharsis ou enflammant par le partage. Un tel patrimoine sensible pouvait-il laisser de marbre une population grecque soumise à la dictature ? N'était-ce pas prendre un risque que de permettre la représentation des passions millénaires et, pourtant, la censure ne s'exerça pas, ou pas totalement. Comment expliquer ce paradoxe ?
// Programme \\
> 10h | Accueil et courte introduction - Marie-Claire Ferriès, Université Grenoble Alpes, LUHCIE.
> 10h15-10h45 | Alain Faure, CNRS, PACTE : Même les élus se cachent pour pleurer…
> 11h-11h30 | Sarah Rey, Université Polytechnique des Hauts-de-France, Valenciennes-LARSH, CRISS : Les sanglots des Romains : une arme politique.
> 11h45-12h15 | Philippos Karaferias, Université Grenoble Alpes, Litt&Arts - AnaDrame : Larmes censurées ? La censure de la tragédie ancienne pendant la dictature des colonels en Grèce. Un phénomène paradoxal.
> 12h30-13h | Discussion générale et conclusion.
En pratique
Ouvert aux étudiants et collègues universitaires.
En présentiel à la MSH-Alpes et en visioconférence, sans inscription.
ID de réunion : 986 0617 8905
Code secret : 119712
De 10:00 à 13:00