Communauté
Humagora
La gestation pour autrui : de la morale à la justice
Une conférence de Marlène Jouan dans le cadre du cycle "Avenue centrale. Rendez-vous en sciences humaines".
La gestation pour autrui (GPA) est une forme d’assistance médicale à la procréation qui se distingue par le fait qu’en vertu d’un arrangement social et éventuellement financier, la femme qui assure la grossesse et accouche de l’enfant n’est pas sa mère légale. Elle introduit à ce titre un trouble dans la maternité qui est certainement l’une des expressions très concrètes d’un plus large et fameux « trouble dans le genre ». Interdite en France mais intégrée depuis une quinzaine d’années à un commerce international des matériaux et services reproductifs, cette pratique engage des controverses scientifiques et publiques passionnées, qui font voler en éclat les clivages politiques habituels et divisent les féministes au moins autant que la prostitution. Alors que l’on peut parier que la révision en cours des lois de bioéthique maintiendra sur ce point le statu quo, on montrera qu’il est nécessaire de déplacer les termes du débat, du terrain binaire et surplombant de la morale où il se déroule traditionnellement sous l’égide du principe de dignité et d’une critique radicale du patriarcat, à celui de la justice qui est exploré depuis le début des années 2000 dans la littérature anglophone. Empiriquement ce déplacement est informé par des enquêtes ethnographiques qui requièrent d’entendre les voix des gestatrices en mettant de côté la répugnance suscitée par ce qu’elles font ; théoriquement il s’inspire à la fois du marxisme, des études post-coloniales et des éthiques du care pour articuler la problématique de genre à celles de classe et de race. Il invite à défendre une position pragmatique et critique sur la reconnaissance de la gestation pour autrui comme un travail à part entière.
Marlène Jouan est maîtresse de conférences en philosophie à l’Université Grenoble Alpes et membre du laboratoire Philosophie, Pratiques & Langages (PPL, EA 3699 UGA).
Entrée libre dans la limite des places disponibles.
De 12:15 à 13:30