Retour sur la Fête de la science : Café débat - Minerais des abysses : nouvel eldorado ou futur naufrage ?
Publié par Mathis Philippe, le 7 novembre 2024 110
Le 8 octobre, après avoir suivi la conférence de Jacques Juillard “Quand le cycle de l’eau déraille”, Ploufy nous a amené à La Casemate où se tenait un Café Débat organisé par Jacques Talbot, Emmanuel Borot de l’Association Café des Sciences.
Grâce à Ploufy, et avant le café-débat, nous avons pu prendre notre courage à deux mains pour interviewer Emmanuel Borot, le trésorier de l’association. Ancien médecin, il est piqué par la curiosité lors d’un café scientifique. Il s’engage alors dans l’organisation de ces événements de culture scientifique.
Le Café des Sciences est une association où des scientifiques, des citoyens curieux, et même quelques sceptiques se réunissent pour discuter de science, de ce qu'on aime, pour débattre et échanger dans une ambiance décontractée autour d'une bière, d'un thé.
“Les Cafés Science et Citoyens, est un projet qui rend la science accessible, vivante et participative.”
Les Cafés Sciences se rassemblent principalement au Café des Arts à Grenoble. Ce choix n'est pas anodin : c'est dans une ambiance conviviale et chaleureuse, que la science descend des estrades et vient discuter à hauteur d'homme. Elle devient plus familière, plus proche ce qui crée un échange où chacun peut poser des questions et partager ses idées en toute simplicité.
« On demande aux gens de consommer en échange », raconte l'organisateur, car cela permet d'offrir ces soirées gratuitement. « C'est très difficile de trouver dans Grenoble une salle gratuite, assez grande, où en plus, sur un débat… On garde l'ambiance café. »
À l'image de cette soirée où les discussions tournent autour de l'exploitation des fonds marins, des questions écologiques et éthiques que ce sujet soulève, le Café des Sciences essaie à chaque fois de trouver des sujets qui intéressent et qui concernent les citoyens.
Emmanuel Borot se confie que pour lui en tant que médecin, c’est un sujet [Les minerais des abysses] qui le dépasse un peu. L'idée de détruire les fonds marins pour extraire des minéraux rares intrigue. « Est-ce que ça va tout bousiller ou pas ? Est-ce qu'on peut le faire sans risque ? ».
Ces sujets actuels et parfois sensibles, sont au cœur de ce qui rend les Cafés Science si uniques. Qu'il s'agisse de nucléaire, de biodiversité ou de technologie, ce sont ces questions complexes qui attirent autant de participants : on prend le temps de se questionner, de réfléchir ensemble, au-delà des évidences et des préjugés.
Comment se déroulent les soirées rencontre / débat ? Chaque soirée est animée par trois intervenants, locaux ou non, sélectionnés pour leur expertise mais aussi pour leur diversité d'opinions. L'objectif n'est pas de donner des réponses définitives, mais d'ouvrir la discussion. Ce pluralisme est essentiel aux yeux des organisateurs : « On essaie d'avoir des approches complémentaires du sujet, parfois contradictoires quand il y a vraiment débat. » Dans un monde où les questions de société sont souvent polarisées, les Cafés Science créent un espace où les points de vue se croisent et s'enrichissent. Il n'y a pas de vérité toute faite ici, seulement des perspectives qui poussent chacun à se forger sa propre opinion.
La structure des Cafés Science est simple mais étudiée. Chaque intervenant a dix minutes pour exposer son point de vue avec 3 diapositives maximum. Ensuite, le débat s'ouvre aux questions, remarques et doutes du public, car « ce qu'on veut, c'est un temps important d'intervention du public, ce n’est pas une conférence. »
Les Cafés Sciences incarnent une volonté de transmettre la culture scientifique, sans prétention ni condescendance. Selon monsieur Borot, la science devrait être plus présente dans la société. Il estime que comprendre le monde nécessite de se plonger dans des sujets complexes qui ne sont pas toujours faciles. Alors, par ces débats ouverts, l'association souhaite simplifier cette démarche, rendre l'information plus accessible, et éveiller la curiosité.
Les Cafés Science sont bien plus qu'un rendez-vous scientifique, cela crée des ponts entre chercheurs et citoyens. Ce sont des moments où l'on se questionne sur le monde, où l'on s'ouvre aux autres, et où l'on se rappelle que la science est là pour éclairer notre quotidien. Pour cet ancien médecin, devenu par hasard organisateur de ces rencontres, « c'est agir pour la connaissance », et c'est, en somme, une manière de rapprocher les gens de ce qui fait avancer notre société.
Puis, nous avons assisté au café-débat,
Lors de cette rencontre à La Casemate, nous avons eu l'opportunité de rencontrer trois intervenants : Olivier Vidal, directeur de recherche en sciences de la Terre à l'UGA, Christophe Pasil, enseignant-chercheur à l'UGA, et Mathilde Cannat, directrice de recherche au CNRS à Paris.
Tous trois ont abordé les problématiques liées à l'extraction des minéraux des fonds marins. M. Vidal a expliqué que les minéraux marins, bien que présents en faible quantité, sont essentiels pour produire des alliages utilisés dans l'électronique, dont la demande augmente avec l'essor technologique. Ces métaux permettent, par exemple, de fabriquer des éoliennes, des panneaux photovoltaïques, des batteries au lithium et des téléphones portables.
M. Pasil s'est concentré sur les aspects juridiques du droit maritime, notamment le concept des ZEE (Zones Économiques Exclusives), qui s'étendent sur 22 km au large des côtes d'un pays et peuvent entraîner des conflits. Au-delà de cette limite, les zones internationales sont protégées par des accords, ce qui rend leur exploitation minière actuellement impossible. Ces zones sont cependant très convoitées pour la pêche, le pétrole et les métaux.
Enfin, Mathilde Cannat a expliqué sous quelles formes se trouvent ces minéraux. Ils existent sous divers aspects : des nodules, qui sont des amas sphériques de minéraux riches en fer et en magnésium dans les fonds marins, des croûtes principalement composées de manganèse, et des dépôts sulfurés en forme de « cheminées » situés près des sources hydrothermales.
Les intervenants ont souligné plusieurs obstacles à l'exploitation de ces ressources. D'un point de vue technique, les minéraux marins sont souvent de faible teneur et nécessairement un traitement complexe pour être raffiné. Leur accessibilité est également un défi majeur, les nodules étant situés à de grandes profondeurs. D'un point de vue géopolitique, certains pays cherchent à revendiquer des terres habitées, telles que des îles, pour étendre leur ZEE dans les eaux internationales et accéder plus facilement à certains minéraux. Enfin, l'extraction pose des problèmes environnementaux considérables : elle consomme énormément d'énergie et remue des sédiments qui, en suspension dans l'eau, peuvent se disperser avec les courants marins.
En conclusion, l'exploitation des abysses et de leurs minéraux reste pour le moment très complexe en raison des conditions extrêmes du milieu et de la faible concentration des ressources, ce qui rend cette activité économiquement non viable malgré la demande croissante liée aux nouvelles technologies.
vous pouvez retrouver toutes leurs informations sur leur facebook: https://www.facebook.com/CafeS...