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Quand votre rêve sait des choses que vous ignorez

Publié par Laurent Vercueil, le 2 juin 2019   4k

De tout temps, les rêves ont été source à la fois d'étonnement et d'émerveillement. Les questions foisonnent : Pourquoi avoir rêvé de ça, et pas d'autre chose ? Comment puis-je, dans le rêve, m'envoler, alors que je reste misérablement cloué au sol dans la réalité ? Que signifient ces rêves que l'on fait tous ? Et pourquoi surtout des cauchemars ? Si les questions ne manquent pas, les réponses, elles, font défaut. 

Pourtant, de l'antiquité jusqu'à nos jours, un nombre faramineux de "clés des songes" nous ont été proposées, toutes plus fantasmagoriques les unes que les autres, ne reposant, de fait, que sur la seule inventivité de leurs créateurs...

On peut penser, avec Allan Hobson, dans l'hypothèse la plus parcimonieuse (1) qui soit, que le rêve reflète seulement la mise en ordre nécessaire d'une activité cérébrale sans but, quelque chose comme une écume créée par les décharges nocturnes dans des réseaux de neurones. Dans ce cas, le récit du rêve est une reconstruction approximative à partir d'items (de "qualia") surgissant de façon aléatoire.

Quoiqu'il en soit, certaines manifestations du récit restent fascinantes. Ainsi de la démonstration d'une logique qui échappe au rêveur. En voici une illustration :

L'autre nuit, au cours d'un passage relativement banal dans un rêve qui, par ailleurs, l'était moins, j'ai dû me résoudre à sauter par dessus une balustrade depuis un balcon intérieur, pour rejoindre un escalier qui était un étage en dessous. Autant il s'agit de quelque chose d'inimaginable pour moi dans la vie réelle, autant, dans ce rêve, ça m'apparaissait comme une solution simple, facile à mettre en œuvre, qui m'évitait de revenir sur mes pas pour m'engager dans l'escalier dont la descente commençait juste quelques mètres derrière moi.

Donc hop. 

Rien de plus simple. Une impulsion, la balustrade est sous moi, et je vais atterrir sur les marches en dessous.

Sauf. 

Sauf que je me cogne violemment le crâne contre le plafond !

Quel idiot ! Mais quel idiot, ne pas m'être rendu compte que, bien nécessairement, en m'élevant au dessus de la balustrade, je me rapprochais dangereusement du plafond !

Ce que j'ignorais avec superbe, à savoir qu'il y avait un plafond au dessus de ma tête + qu'en sautant en l'air, je finirai bien par me cogner contre, mon rêve, lui, le savait parfaitement !

En me ramenant douloureusement au contact de la réalité (dans les maisons, il y a des plafonds), le rêve m'a rappelé à l'ordre. On fait moins le malin, maintenant ?

Que ce soit le rêve qui me rappelle le principe de réalité est pour le moins étrange. Mais encore plus intriguant, le fait qu'il puisse connaitre des choses que j'ignore. 

C'est, de façon plus réduite, l'expérience que nous faisons dans les rêves "à élucidation", lorsqu'un élément apparaissant à la fin du songe permet de comprendre rétrospectivement, de donner une cohérence aux évènements antérieurs (à la manière du film "Usual Suspect"). La logique qui nous échappait pendant le rêve nous est révélée lorsqu'il s'achève. Et comme les pièces d'un puzzle, tout s'imbrique désormais.

Il y a donc dans le rêve une structure logique qui n'est pas apparente au rêveur. Autrement dit, il est possible de s'illusionner dans le rêve (un bel exemple, ici). S'illusionner, c'est à dire déformer la réalité, au risque de se faire attraper par celle-ci (Boum ! contre le plafond). 


NOTES

(1) La "parcimonie" dans les hypothèses scientifiques fait l'économie des élaborations explicatives qui ne sont pas strictement nécessaires.