L’expédition neuropoétique (ou comment explorer un cerveau grandeur nature)
Publié par Antoine Depaulis, le 27 avril 2020 5.9k
N'avez-vous jamais rêvé de partir en expédition... dans le cerveau ? Moi oui ! Et lors de la 2ème édition du campement scientifique à Apt , mon rêve s’est réalisé en compagnie d’Hélène Loevenbruck, neurolinguiste au CNRS, Marie Chéné, artiste et poète et Balthazar Daninos, comédien du Groupe n+1. Avec un peu d’imagination et de poésie, les 12 et 13 octobre 2019, nous avons guidé une quarantaine de spectateurs, transformés en chercheurs, pour explorer les différents lobes corticaux de la ville d’Apt et les processus fonctionnels qui les caractérisent.
Après la réussite du premier campement scientifique en septembre 2014, le Vélo Théâtre d'Apt d'Apt et le Groupe n+1 de la compagnie «Les ateliers du spectacle » ont invité les spectateurs à planter leur tente en compagnie d'artistes et de scientifiques, du 10 au 13 octobre 2019, à Apt. Ils ont considérés cette ville et ses environs comme une réserve de potentiels d'actions, un lieu d'expériences et d'inventions, le temps d’un long week-end…
Après une inauguration en grande pompe, une expérience inédite de synchronisation neuronale à l’échelle de la ville, un apéro aléatoire et un bal en pataugas, les 3 comédiens du groupe n+1 ont dévoilé la carte « neuro-anatomique » de la ville d’Apt que nous avions concoctée. Il est en effet évident qu’Apt est une « ville-cerveau », aussi bien par sa forme que par son organisation. Il ne restait plus qu’à explorer ses différentes aires corticales, ses circuits neuronaux intimes et à trouver si ce merveilleux cerveau était capable d’avoir une voix intérieure et de nous apprendre de quoi cette ville est capable!
L’expédition neuropoétique que nous (Marie Chéné, Balthazar Daninos, Hélène Loevenbruck et moi-même) avons créée, propose aux spectateurs de partir en mission dans cette ville-cerveau afin de découvrir sa « petite voix intérieure »...
L’expédition a commencé par la découverte de techniques d’écriture poétique avec les mots isolés trouvés sur des murs, affiches, signalisations en tout genre dans la ville. Puis nous avons « rétréci » symboliquement l’équipée à l’échelle du neurone, pour transformer nos spectateurs en « micro-chercheurs » dans un sas menant à l’aqueduc de Sylvius de la rue St Georges. Ce passage très étroit est bien pratique pour longer la partie caudale du lobe temporal qui borde le collège Sainte Jeanne d’Arc et découvrir ainsi l’importance de la voix intérieure avec Hélène Loevenbruck et pratiquer quelques virelangues mentaux avec Marie.
En nous faufilant dans la scissure de la rue de la Merlière, nous avons sillonné le lobe pariétal et apprécié ses capacités de traitement des informations sensorielles « multimodales » et découvert en particulier la modalité auditive à la porte des Mascarons, tout en expliquant l’intérêt des circonvolutions corticales pour stocker le maximum de neurones dans une boîte crânienne d’Homo sapiens... Les humains, comme les neurones peuvent être entassés si on en fait des circonvolutions (c’était avant le confinement...).
C’est en arrivant dans le lobe frontal de la ville, où se situent la Mairie, la Préfecture et la Police municipale, que nous avons fait découvrir à nos spectacteurs-chercheurs le rôle primordial des circuits inhibiteurs qui nous permettent de vivre en société. L’impasse des Basilics, où règnent les interdits (« stop la pub », « Non au Linky », « Défense d’afficher »), est sans nul doute un de ces circuits chargés de contrôler nos réactions émotionnelles... Les chantiers et les travaux de voirie en cours dans la ville, ont été l’occasion d’expliquer comment le cerveau peut se reconstruire suite à un accident vasculaire cérébral. Pas vraiment comme avant, mais en assurant les fonctions vitales...
C’est dans la librairie « La Fontaine » devenue Aire de Broca, et donc haut-lieu du langage, qu’Hélène Loevenbruck explique la similitude des circuits nerveux impliqués par la petite voix intérieure avec ceux utilisés par le langage parlé.
Après cette formation accélérée en Neuro-anatomie et en neurolinguistique, nous avons missionné nos spectateurs-chercheurs afin qu'ils sillonnent la ville d'Apt, téléphone portable ou appareil photo en main, à la recherche de mots piochés sur les signalétiques de la ville pour illustrer sa voix intérieure...
Une petite heure plus tard, nos spectateurs-chercheurs devenus poètes brandissaient fièrement les phrases fabriquées avec leurs photos... et leur imagination !