Grenoble Institut des Neurosciences : 10 ans d'âge
Publié par Antoine Depaulis, le 15 décembre 2017 4.8k
Le Grenoble Institut des Neurosciences ou GIN, vient de fêter ses dix ans lors d'une cérémonie le vendredi 8 décembre. L'occasion de rappeler les débuts de ce pari assez inouï.
L’infusion
Il fallait être un peu fou dans les années 90 pour imaginer, à Grenoble, un centre de recherche dédié aux Neurosciences ! Certes, les Neurosciences étaient en pleine expansion dans le Monde (elles le sont toujours !) et la notoriété de plusieurs chercheurs et médecins grenoblois commençait à grimper ferme les parois, souvent abruptes, de la reconnaissance internationale. Mais comment exister quand on est entouré de places fortes en Neurosciences comme Lyon et Marseille, sans parler de Genève, Lausanne ou encore Milan ? Pourtant, il devenait nécessaire de rassembler les différentes équipes de neuro-chercheurs de l’époque, pour la plupart déjà labellisées par l’INSERM, qui se trouvaient dispersées sur deux des trois campus de la communauté urbaine : le Polygone scientifique avec les unités de Didier Job et Michel Villaz au CEA et le Campus Santé avec les unités d’Alim-Louis Benabid et de Michel Décorps. Ces différents laboratoires constituaient une masse critique de près de 100 chercheurs, cliniciens, enseignants, ingénieurs, techniciens et doctorants. Cette communauté développait déjà des collaborations productives entre chercheurs et cliniciens neurologues, neurochirurgiens, neuroimageurs, psychiatres... De surcroît, plusieurs chercheurs en physique de Grenoble, place forte dans ce domaine, commençaient à s’intéresser de près aux sciences du cerveau !
Claude Feuerstein, Professeur de Physiologie à la Faculté de Médecine et alors Président de l’Université Joseph Fourier, eut sans doute ce grain de folie et surtout l’opiniâtreté indispensable pour obtenir en 1999 auprès de l’Etat, de la Région Rhône-Alpes, de la Métro et de la ville de Grenoble, les 15 millions d’euros nécessaires pour construire un bâtiment de 6000 m2 et équiper ses plateformes. Il obtint également le soutien de l’Université Joseph Fourier et du Centre Hospitalier Universitaire pour localiser ce bâtiment sur le site du CHU. Situé en face du pavillon de Neurologie et à proximité immédiate du service d’imagerie IRM de l’hôpital, la localisation de ce nouveau centre de recherche exprimait déjà la volonté d’encourager les interactions entre les équipes de chercheurs et celles de cliniciens.
L’assemblage
Dans le début des années 2000, plusieurs jeunes chefs d’équipe ont renforcé les rangs des Neurosciences grenobloises avec la venue de nouveaux chefs d’équipe (Christoph Segebarth, Rémy Sadoul, Michel DeWaard, Antoine Depaulis). De même, l’émergence de jeunes équipes (Bruno Bonaz, François Estève, Annie Andrieux, François Berger, Marc Savasta, puis Olivier David, Emmanuel Barbier, Isabelle Marty) a contribué à cette fermentation formidable qui a permis de rassembler des neuroscientifiques d’horizons et de métiers différents dans les débuts du GIN. Alain Buisson et Isabelle Arnal sont ensuite venus compléter ces expertises avant la fin du premier plan quinquennal en 2011. Le GIN permettait ainsi de réunir tous ces spécialistes autour de plateformes techniques mutualisées (animalerie, imagerie RMN, microscopie photonique et électronique, etc…) dédiées aux Neurosciences et de favoriser les interactions. Un vrai cocktail de biodiversité neuroscientifique!
Le mélange
Dès 2001, les futurs chefs d’équipe ont été mis à contribution pour « penser » ce qui allait devenir le bâtiment Edmond J. Safra. Conduites par un architecte programmiste, ces réunions, parfois très « animées », ont permis de mieux définir le cahier des charges pour le concours d’architecte. Très vite, le ton était donné pour éviter l’immense bibliothèque (devenue inutile avec le développement d’internet) ou les bureaux paysagers qui ne facilitent pas toujours la réflexion, et favoriser par contre les plateformes mais aussi les lieux de convivialité dans lesquels naissent les plus belles idées de recherche. Le cabinet d’architectes (Dacbert et Associés) à Paris, qui remporta ce concours, pu ainsi concevoir un bâtiment adapté à la recherche actuelle et aux souhaits des chercheurs.
La première pierre fut posée le 12 décembre 2005 par Michel Destot, alors maire de Grenoble et Yannick Vallée, Président de l’Université Joseph Fourier. Les travaux furent rondement menés grâce aux cabinets Arche5 et Icade G3A et le bâtiment livré en septembre 2007 et les différentes équipes purent emménager aussitôt. L’animalerie dut revoir sa copie, comme souvent, les normes ayant changé entre temps, et le GIN ne put accueillir des rats et des souris qu’en juillet 2008. L’Inserm, ainsi que la Fondation Philanthropique Edmond J. Safra et d’autres personnalités privées ont apporté les 3 millions d’euros qui manquaient pour acheter les équipements de base et aménager certaines salles. Ainsi, comme il fut écrit à l’époque, « au cœur du CHU de Grenoble, entre les rives de l'Isère et les rails du tramway qui traversent le Campus Santé, la façade colorée et les quatre étages du Grenoble Institut des Neurosciences faisaient désormais partie du paysage grenoblois ». Le Centre de Recherche "Grenoble-Institut des Neurosciences" rassemblait 10 équipes de recherche reconnues et financées par l’Inserm et/ou l’Université depuis janvier 2007 … mais avec la nécessité de trouver également de l’argent, auprès d’autres sources de financement, comme toujours ! L’appellation « Grenoble-Institut des Neurosciences » ou « GIN » fut l’objet de discussions passionnantes entre les chefs d’équipe afin de trouver un acronyme spécifique, évocateur… et facile à retenir ! L’artiste Olivier Leroi, vainqueur du concours organisé pour le 1% culturel, fut également un stimulant avec son regard décalé sur la recherche et son rapport avec la société.
Installation d'Olivier Leroi
Les bulles
Depuis 2007, il y eut des évaluations, des recrutements de jeunes chercheurs, des arrivées, des départs aussi… Pendant ces 10 ans, les chercheurs du GIN auront obtenu des contrats de recherche nationaux, internationaux, publics ou privés et publié plusieurs centaines d’articles dans des revues internationales. Le GIN a également formé plus d’une centaine de jeunes chercheurs en Neurosciences qu’ils soient biologistes, médecins, physiciens ou mathématiciens à la base, sans parler des étudiants en Master 1 et 2 des filières de Biologie ou de Physique venus faire leurs premiers pas dans le monde merveilleux des neurones et des cellules gliales. Les étudiants en thèse, rassemblés sous la bannière des « Neurodocs », ont vite initié plusieurs actions dont un congrès international dédié aux doctorants dont la troisième édition aura lieu en 2018. De même, plusieurs initiatives pour communiquer avec nos concitoyens ont vu le jour pendant ces 10 années d’ébullition. Que ce soit pour la semaine du cerveau, la fête de la science, les journées des associations de patients, les visites par divers groupes de passionnés, de scolaires ou même d’artistes, le GIN a su répondre à cette soif de savoir que suscitent les Neurosciences.
Une touche de fraîcheur
En 2013, le personnel du GIN en accord avec ses tutelles (Inserm et Université Grenoble Alpes) ont choisi, à la suite d’un appel d’offre international, un nouveau directeur en la personne de Frédéric Saudou alors directeur d’équipe au Centre de recherche Curie à Orsay. Cette touche de fraîcheur a été renforcée par l’arrivée ou l’émergence de nouvelles équipes (Sandrine Humbert, Homaira Nawabi, Sébastien Carnicella, Christophe Heinrich) et le développement d’une plateforme de microscopie photonique digne des meilleurs instituts internationaux. Avec près de 250 personnes, le GIN développe à présent une saveur nouvelle qui devrait révéler tout son bouquet dans les prochaines années…
>> Voir aussi : L'article de Marion Sabourdy sur le GIN en 2013