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Et si nous n'étions pas tous voués à devenir déments ?

Publié par Laurent Vercueil, le 23 avril 2016   3.3k

Le prolongement de la durée de vie expose à une augmentation continue, en quelque sorte parallèle, des cas de démence. Les projections sont impressionnantes. Ainsi, nous nous préparons un avenir neurodramatique, entourés de vieillards gâteux, dont nous ne tarderons pas à faire partie...

Les coûts inhérents s'élèveront alors à des niveaux inimaginables, et la société ne pourra se dépêtrer du poids de plus en plus lourd d'une frange de population ignorante de sa propre condition. Une jeunesse de moins en moins active, faute de travail, aura à sa charge une vieillesse de plus en plus dépendante... Sombre perspective, individuelle et collective.

Mais des leviers existent. Un article récent du New England Journal of Medicine (1) donne même des pistes. Il s'agit des résultats observés sur une cohorte de sujets (5205 hommes et femmes âgés de plus de 60 ans), suivis sur trois décennies et plus. Après ajustement pour l'âge et le sexe, les auteurs observaient qu'au cours de quatre périodes étudiées de 5 ans (1977-83, 1986-91, 1992-8, 2004-8), l'incidence de la démence (c'est à dire le nombre de nouveaux cas) diminuait de 3,6% à 2%, soit une baisse de 40% des nouveaux cas. Pendant cette période d'observation de plus de 30 ans, les facteurs de risque cardio-vasculaires étaient également en constante diminution, bien que les auteurs considèrent que cette seule diminution ne pouvait expliquer la réduction de l'incidence des cas de démence.

Un deuxième facteur qui semble jouer un rôle est le niveau d'éducation. La diminution de l'incidence de la démence est plus marquée chez les personnes les plus instruites, et le niveau éducatif global progresse au cours du suivi. Last but not least, le rôle de l'activité physique, également en développement, et dont on sait qu'elle contribue de façon significative à la protection cérébrale, via le contrôle des facteurs de risque vasculaire mais aussi par la promotion directe des phénomènes de plasticité neuronale, est probable.

En somme, différents facteurs, et peut-être, d'autres non encore identifiés, peuvent expliquer cette réduction de l'incidence de la démence. C'est globalement une bonne nouvelle. Nous ne devons pas rester inactifs, accablés par la fatalité d'un destin morbide. Il est possible d'agir : améliorer l'environnement, contrôler les facteurs de risque vasculaire (détecter, équilibrer son diabète, surveiller son poids, traiter une hypertension artérielle, veiller à l'équilibre de son alimentation, ne pas fumer), continuer d'agiter ses neurones en lisant des livres et en consultant les bons sites internet et ne pas hésiter à marcher, à pédaler, à monter les étages par les escaliers, pour ça, mais aussi pour le plaisir.


>> Référence :

  1. Satizabal CL et al. Incidence of Dementia over Three decades in the Framingham Heart Study. New Engl J Med 2016;374:523-532

>> Crédit : American Gothic (1930) peinture de Grant Wood (Art Institute of Chicago)