Dormir plus avec l’âge… pas forcément une bonne nouvelle !
Publié par Antoine Depaulis, le 14 mai 2017 52k
L’étude menée par un groupe de recherche américano-australien a mis en évidence une augmentation de la durée quotidienne de sommeil chez les personnes qui développent par la suite une démence comme la maladie d’Alzheimer. Selon ces auteurs, un tel changement pourrait constituer un marqueur d’une neurodégénérescence en train de se développer et qui affecterait principalement les fonctions cognitives.
Tout le monde est d’accord là-dessus : un bon sommeil est le signe d’une bonne santé. Ces moments passés allongés (le plus souvent) à ne « rien faire » sont indispensables pour le bon fonctionnement du cerveau qui va ainsi régénérer son métabolisme, consolider les informations captées pendant la journée, associer ces informations avec d’autres, plus anciennes, faire le tri… Bref, qui dort, fait du bien à son cerveau ! Oui, mais pas trop quand même !
On sait depuis longtemps qu’une désorganisation du sommeil est souvent associée à certaines formes de dépression et, plus récemment, à la maladie de Parkinson. Chez certains patients, ce sommeil perturbé apparaît comme un « prodrome », un signe avant-coureur des symptômes cliniques de la maladie. Mais quand on dort bien, et surtout plus longtemps que d’habitude, on pourrait penser que tout va bien… Pas si sûr !
L’étude réalisée chez plus de 2000 personnes d’environ 70 ans sur une période de 13 ans par des cliniciens et des chercheurs de Boston aux Etats-Unis et de Swinburne en Australie, montre qu’une augmentation de la durée de sommeil est fortement associée au développement d’une démence. Ce groupe de recherche a utilisé des données collectées dans le cadre d’un projet plus vaste dans l’état du Massachussets, sur des personnes suivies depuis les années 70 et jusqu’au début des années 2000, couvrant ainsi deux générations. Ces personnes devaient indiquer régulièrement leur durée de sommeil dans le questionnaire qui leur était adressé. De plus, elles ont passé des tests psycho-cognitifs et des IRM afin d’évaluer l’évolution de leurs capacités cognitives et de leur volume cérébral.
Dans ce groupe de personnes, environ 10% ont développé une démence au cours de la période de suivi, pour la plupart une maladie d’Alzheimer. Chez ces quelques 230 patients, la durée de sommeil est nettement plus longue, au-delà de 9h par nuit, par comparaison à ceux qui n’ont pas développé la maladie. Mais c’est surtout un changement dans les habitudes de sommeil qui est associé au développement d’une démence. Ainsi, c’est une augmentation progressive du sommeil qui est observé chez ces personnes, alors qu’une durée longue de sommeil chez ceux qui sont des « gros dormeurs » depuis toujours, n’est pas associée à un risque particulier de développer une démence. De même, la présence d’autres maladies (hypertension artérielle, diabètes, dépression) ne semblent pas interférer avec cette augmentation du temps de sommeil (1).
Quelques études précédentes avaient proposé cette hypothèse, mais c’est la première fois qu’une association aussi forte entre augmentation du sommeil et émergence d’une démence est montrée sur une population aussi importante et de façon aussi rigoureuse. Il n’est pas facile à l’heure actuelle d’expliquer cette association. La neurodégénérescence qui accompagne les démences et les troubles de la cognition peut affecter des neurones situés dans les circuits qui régulent le sommeil, les rythmes circadiens et/ou la production de mélatonine, cette hormone qui nous sert en quelque sorte d’horloge interne. De même, on peut faire l’hypothèse que l’excès de sommeil serait une réponse adaptative pour favoriser le « nettoyage » par notre cerveau de molécules telles que les béta-amyloïdes, dont l’accumulation est associée aux démences. Tout ceci reste encore à démontrer, avec l’utilisation de modèles animaux. Cette étude propose néanmoins un marqueur physiologique, relativement facile à mesurer, du développement d’une démence et pourra sans doute dans l’avenir permettre la prise en charge des patients de façon plus précoce.
Bon, ben je vais me coucher…
>> Notes
(1) Les patients atteints de lésions cérébrales (AVC, trauma) n’ont pas été inclus dans l’étude.
Pour lire l’article original : Westwood AJ, Beiser A, Jain N, Himali JJ, DeCarli C, Auerbach SH, Pase MP, Seshadri S (2017) Prolonged sleep duration as a marker of early neurodegeneration predicting incident dementia. Neurology 88:1172–1179.