Coronavirus et Neurologie : rien de spécifique (mais une population sensible)
Publié par Laurent Vercueil, le 19 mars 2020 12k
Le Coronavirus, responsable de la pandémie CoVid19, est à l'origine d'une infection des voies aériennes dont les manifestations sont désormais bien connues : pour les principales, la fièvre et la toux, essoufflement (dyspnée) et insuffisance respiratoire aiguë, d'où le nom SARS (Severe Acute Respiratory Syndrome). Dans le contexte du grand âge ou de la vulnérabilité liée à certaines maladies chroniques, ces troubles peuvent être très sévères.
Il semblerait que le système nerveux ne soit pas affecté par le virus. Les encéphalites (atteinte du cerveau), myélites (atteinte de la moelle épinière), neuropathies (atteintes des nerfs périphériques) et myosites (atteinte des muscles) qui peuvent connaitre des causes virales ne sont pas signalées dans le cadre de la pandémie.
Il faut toutefois reconnaitre que, côté neurologie, nous ne disposons pas encore de beaucoup de données, bien que l'avance chinoise nous permette de tirer certains enseignements, notamment concernant l'incidence des complications neurologiques au sein de la population affectée : Des hôpitaux de la région de Wuhan ont ainsi rapporté leur expérience (du 16 janvier au 19 février) chez 214 patients (1)(il s'agit d'un article mis en ligne le 25 février en pré-publication, non revu par les pairs, dont il faut analyser les données avec prudence) : Parmi les patients CoVid19, 88 (41.1%) étaient jugés sévères et 126 (58.9%) non. Sans surprise, les patients sévères étaient plus âgés et présentaient davantage de maladies chroniques pré-existantes. Des troubles neurologiques étaient présents chez 68 (36.4%) patients, davantage parmi les patients sévères. On relevait notamment plus d'AVC (pour 5 patients sévères et un seul patient non sévère), des troubles de la conscience (13 patients sévères contre 3 non sévères) et des lésions musculaires (17 patients sévères contre 6 patients non sévères). Des vertiges et des céphalées étaient signalés dans les deux groupes de patients, sans différence significative. Le sentiment qui ressort de la lecture de cet article est qu'il s'agit de symptômes non spécifiques, c'est à dire plutôt secondaires à l'altération importante de l'état général, voire au retentissement d'une mauvaise fonction respiratoire sur l'activité du cerveau (le trouble de la conscience, par exemple, peut être lié à une encéphalopathie respiratoire). Une conséquence, donc, et non une atteinte directe.
De fait, les premières études cliniques (2), montraient également une incidence, à l'admission, de signes neurologiques non spécifiques, comme les céphalées (8%), les myalgies (11%), voire, la confusion mentale (9%). Encore des manifestations qui sont liées aux effets de la virose, de la fièvre, du trouble respiratoire et de la fragilité cognitive de la population affectée.
Le 5 mars cependant et pour la première fois, un cas d'encéphalite était signalé, en Chine (ici), avec détection du virus dans le liquide cérébro-spinal (3). Il s'agissait d'un cas d'évolution favorable, mais les données disponibles pour faire une analyse de cette observation sont très insuffisantes et aucun autre cas n'a été rapporté dans la littérature, depuis. Donc, soit une rareté, soit une anomalie de publication.
En fait, dans le domaine neurologique, les patients sont souvent âgés, ce qui leur confère un facteur de vulnérabilité : maladie de Parkinson, maladie d'Alzheimer, AVC, etc... D'autres peuvent être plus jeunes, comme c'est le cas dans l'épilepsie ou de la sclérose en plaques. Les maladies nécessitant des traitements qui ont un impact sur le système immunitaire, comme c'est le cas de la sclérose en plaques, font partie des affections vulnérables. En revanche, l'épilepsie ne constitue pas, en soi, un sur-risque par rapport à la pandémie. La Ligue Française contre l'Epilepsie a d'ailleurs publié une mise au point utile à ce sujet : https://www.epilepsie-info.fr/...
Notes
(2) Chen N, Zhou M, Dong X, et al. Epidemiological and clinical characteristics of 99 cases of 2019 novel coronavirus pneumonia in Wuhan, China: a descriptive study. Lancet. 2020; 395: 507-513
https://www.thelancet.com/pdfs...
(3) pour être précis, la détection du virus dans le LCS n'est pas synonyme d'encéphalite. Il peut s'agir, s'il s'y associe une modification de la composition du liquide (par exemple augmentation des leucocytes) d'une méningite (les méningites virales sont relativement fréquentes et de conséquences très modestes : maux de têtes, vomissements, si seulement elles s'expriment). Pour porter le diagnostic d'une encéphalite, il faut des signes d'atteinte cérébrale et, souvent, des modifications du signal cérébral sur l'IRM.
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