100 ans d'exploration de la matière
Publié par Françoise Vauquois, le 19 novembre 2012 4.2k
Françoise Vauquois nous fait voyager dans l'histoire de la cristallographie. Découvrez les noms des nombreux prix Nobel liés à cette discipline.
Dès l'Antiquité, les Grecs avaient imaginé l'existence des atomes. Pourtant, il a fallu attendre le 20e siècle pour enfin arriver à les visualiser, grâce à de prodigieuses avancées techniques et scientifiques. Il y a 100 ans, les découvertes de Laue (1912) et de Bragg (1913) révolutionnaient l'étude de la matière et marquaient le début de la cristallographie moderne.
La première étape de cette épopée est la découverte des rayons X par Röntgen en 1895. Dans les mois qui suivent, les rayons X démontrent leur potentiel remarquable dans le domaine médical. Mais c’est seulement grâce à Laue et Bragg que ces rayons, grâce au phénomène de diffraction des rayons X par les cristaux, se révèlent être également un moyen très puissant pour explorer les structures cristallines. Ces découvertes de Laue et de Bragg marquent ainsi le début de la cristallographie moderne.
Première radiographie par Röntgen (la main de sa femme)
« Résoudre une structure », pour un cristallographe, cela signifie identifier les atomes qui composent le cristal, et savoir comment ces atomes sont organisés dans l’espace, ce que l’on appelle la structure en trois dimensions (3D). Au cours des décennies qui suivent, les générateurs de rayons X s’améliorent et les cristallographes mettent au point de nouvelles méthodes, ce qui leur permet de résoudre des structures de plus en plus complexes. Les instruments au service des cristallographes vont également se diversifier : en 1937, Davisson et Thomson démontrent que les électrons, comme la lumière, peuvent être diffractés par les cristaux. En 1945, c’est au tour des neutrons d’être diffractés par les structures cristallines. Les scientifiques de toutes disciplines commencent à s’intéresser à ces instruments (microscopes électroniques, générateurs de rayons X, sources de neutrons) qui, tels de super-microscopes, donnent accès à des informations si précieuses. La cristallographie prend alors un nouvel essor.
C’est certainement en biologie moléculaire que la cristallographie moderne a donné ses résultats les plus spectaculaires. Dès les années 1930, des scientifiques tentent de cristalliser virus et protéines afin de résoudre leurs structures. La découverte la plus célèbre a lieu en 1953 lorsque Crick et Watson publient la structure en double hélice de l’ADN, grâce aux clichés de diffraction de rayons X obtenus par Rosalind Franklin sur des fibres d’ADN. La même année Perutz et Kendrew résolvent par cristallographie rayons X la structure tridimensionnelle des globines (hémoglobine et myoglobine). Ces deux découvertes essentielles ont été récompensées par l’Académie Nobel.
La liste des prix Nobel associés à la cristallographie ne va cesser de s’allonger, singulièrement au cours des toutes dernières années. En 2009, Ramakrishnan, Steitz et Yonath reçoivent le prix Nobel de chimie pour leurs études de la structure et de la fonction du ribosome ; en 2011 Dan Shechtman reçoit à son tour le prix Nobel de chimie pour sa découverte des quasicristaux, et 2012 voit l’attribution du Nobel de chimie à Kobilka et Lefkowitz pour leur travail sur une importante famille de protéines appelées « récepteurs », les GPCR [ndlr : ou RCPG en français], dans les membranes cellulaires.
Dan Shechtman
La plupart de ces prix Nobel ont travaillé à Grenoble sur les grands instruments européens - la source de rayons X ESRF et la source de neutrons ILL - et en collaboration avec des équipes grenobloises. Mais au-delà de ces prestigieux chercheurs, c’est toute la communauté scientifique européenne qui porte haut les couleurs de la cristallographie, depuis des décennies et pour encore longtemps.
Merci à Dominique Cornuejols (ESRF)
>> Illustrations : Echosciences Grenoble (Flickr, licence CC) et Israel Institute of Technology (Wikimedia Commonds, licence CC)