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Journée européenne de l’épilepsie : focus sur les médicaments

Publié par Antoine Depaulis, le 11 février 2013   4.4k

Pour la Journée européenne de l’épilepsie, Antoine Depaulis, directeur de recherche Inserm de l’Institut des Neurosciences et Laurent Vercueil, médecin neurologue au CHU de Grenoble nous informent sur les médicaments antiépileptiques.

Le 11 février 2013, se tiendra la Journée européenne des épilepsies. A Grenoble, les associations de patients, l’institut des Neurosciences, des établissements spécialisés et le CHU organisent une journée portes ouvertes, avec ateliers, animations et expositions sur le sujet, qui souhaite sensibiliser le public aux questions soulevées par une maladie encore trop mal connue (voir ici pour plus de détails).

L’épilepsie : une maladie neurologique fréquente et invalidante

L'épilepsie est une maladie du cerveau qui affecte près de 1% de la population mondiale (soit en France, environ 500 000 personnes) et qui touche tous les âges, en particulier l'enfant et la personne âgée. Cette maladie est caractérisée par la survenue soudaine de modifications transitoires de courte durée (de quelques dizaines de secondes à quelques minutes) du fonctionnement normal du cerveau : c’est ce qu’on appelle les crises épileptiques. Elles peuvent se répéter plusieurs fois par jour dans certains cas et ceci pendant plusieurs années, voire toute la vie. Pourtant, ce qui crée l’invalidité est moins le nombre de crises épileptiques, que le caractère imprévisible de celles-ci. Une « épée de Damoclès » qui rend particulièrement pénible la vie d’une personne souffrant d’épilepsie.

Pendant une crise, plusieurs milliers de cellules nerveuses (les neurones) s’activent brutalement et se synchronisent de façon anormale dans une région plus ou moins étendue du cerveau. En fonction des neurones concernés par la décharge épileptique, des modifications du comportement seront observées, avec parfois, mais pas toujours, des convulsions. Pendant leurs crises certains patients peuvent avoir également une modification de la perception de leur environnement et/ou de leurs réactions émotionnelles et peuvent perdre connaissance. Les crises sont diverses, d’une personne à une autre, et même, parfois chez une même personne. Ainsi, on considère il n’existe pas une épilepsie mais de nombreux types d’épilepsies dont les causes, les traitements et les pronostics sont différents.

Les médicaments de l’épilepsie

L’épilepsie est sans doute la maladie neurologique pour laquelle les médecins peuvent proposer aujourd’hui aux patients la plus grande diversité de médicaments. En effet, depuis les années 30, ce sont près de 40 molécules qui ont été développées avec pour effet d’empêcher que les crises surviennent. Depuis la découverte des barbituriques, il y a exactement 100 ans, des médicaments mieux tolérés ont été découverts, qui présentent surtout l’avantage d’être mieux adaptés aux différentes formes que peut prendre cette maladie. Parmi la vingtaine de médicaments qui sont actuellement utilisés, certains sont très efficaces pour bloquer les crises d’une forme d’épilepsie, mais peuvent être sans effet sur une autre forme. C’est la raison pour laquelle, un diagnostic précis est indispensable, qui s’appuie sur un interrogatoire précis, de la personne et des témoins éventuels, mais également à l’aide d’explorations complémentaires souvent indispensables (EEG, imagerie cérébrale, voire explorations plus poussées) disponibles dans les centres hospitaliers spécialisés. Au CHU de Grenoble, depuis plus de vingt ans, des enregistrements intracrâniens de l’activité cérébrale pendant les crises permettent de définir la zone exacte qui en est à l’origine. Dans certains cas où les médicaments restent sans effet, une telle précision permet de proposer un geste chirurgical qui visera la guérison de l’épilepsie.

Électro-encéphalographie lors d'une crise temporale gauche

Comment sont-ils développés ?

Les premiers médicaments de l’épilepsie ont été découverts souvent par hasard, alors qu’on les destinait à une autre maladie. Depuis une trentaine d’années, les nouvelles molécules ont été mises au point à partir des connaissances de la recherche fondamentale et il a fallu plus de 12 ans pour la plupart d’entre elles pour que leurs effets thérapeutiques soient validés. Les molécules ont été d’abord testées sur des cellules nerveuses en « culture » ou sur des tranches de cerveau. Mais seuls les modèles animaux, le plus souvent des rats et des souris, ont permis de déterminer si la molécule avait une chance d’être efficace chez le patient épileptique. Des essais cliniques sont alors réalisés au sein d’unités spécialisés dans plusieurs hôpitaux dans différents pays, suivis d’une phase d’observation, avant que le médicament ait pu être prescrit. Après la mise sur le marché d’un nouvel antiépileptique, des procédures de surveillance (pharmacovigilance) sont mis en place par les autorités de santé.

Comment ça marche ?

On connaît de mieux en mieux les mécanismes d’action des antiépileptiques. Ils agissent tous au niveau des neurones, le plus souvent en diminuant leur excitabilité (c’est-à-dire, la possibilité qu’ils génèrent des décharges rapides et excessives) et/ou leur capacité à se synchroniser (c’est-à-dire leur possibilité de décharger ensemble). Moins les neurones sont excitables et moins leurs activités peuvent se synchroniser, plus le risque de crise est faible. Trois grands types de mécanismes sont connus à ce jour. Le premier permet de bloquer le passage du sodium vers l’intérieur des neurones et réduit ainsi la production de micro-courants électriques dans ces cellules. Le second a un effet semblable, mais en contrôlant les micro-courants générés par le calcium, dans certaines circonstances. Enfin, d’autres médicaments agissent sur la communication entre neurones qui implique le GABA, un neurotransmetteur majeur du cerveau, où il exerce un rôle « calmant », dit « inhibiteur ». Au cours de ces dernières années, de nouveaux médicaments antiépileptiques ont été découverts qui agissent sur d’autres mécanismes liés au passage d’ions (des molécules portant une charge, positive ou négative) ou à la libération de neurotransmetteurs. On sait que certains médicaments agissent sur plusieurs mécanismes à la fois, mais on est loin d’avoir compris exactement comment leur action au niveau de quelques milliers de neurones se traduit par la suppression des crises chez un patient.

Les effets secondaires

Etant donné leur mode d’action, directement sur le fonctionnement du cerveau, les médicaments antiépileptiques ont parfois des effets indésirables (diminution de la vigilance, prise de poids, réaction cutanée, etc…). Ces effets secondaires dépendent du patient, de son âge, de la forme d’épilepsie dont il est atteint et surtout de la dose nécessaire pour stopper ses crises. Ils sont d’autant plus gênants que les patients doivent prendre ces médicaments tous les jours, souvent deux fois par jour et ceci pendant plusieurs années. Les médicaments les plus récents ont permis de réduire ces effets secondaires, en particulier en élargissant de façon importante la possibilité du choix. De nombreux effets secondaires ne sont pas prédictibles et ont un caractère individuel : tel médicament utile pour une personne sera mal toléré par une autre, et réciproquement.

Est-ce que toutes les formes d’épilepsies peuvent être soignées ?

Alors que plus d’une dizaine de nouveaux antiépileptiques ont été développés au cours de ces dernières années, environ 30% des patients ne peuvent toujours pas être soignés de façon satisfaisante. Malgré la prise de deux, voire trois de ces médicaments, ces personnes continuent à faire des crises et on parle chez eux de « pharmaco-résistance ». Pour un nombre très limité de ces patients, lorsque le « foyer » qui génère leurs crises peut être identifié et se situe dans une région du cerveau qui a été exclue du fonctionnement normal du cerveau, il est possible de supprimer le « foyer » par un geste neurochirurgical. Cette technique, mise au point en France dans les années 50 est particulièrement efficace et supprime définitivement les crises dans plus de 80% des cas pour les meilleures indications. Elle est à présent utilisée dans la plupart des hôpitaux français, le CHU de Grenoble ayant été l’un des premiers à la développer il y a plus de 20 ans. Pour les autres patients, l’espoir demeure dans le développement d’une recherche dynamique aussi bien dans les laboratoires publics où on essaie de comprendre les causes des épilepsies, comme c’est le cas au Grenoble Institut des Neurosciences, que privés où de nouvelles cibles thérapeutiques sont explorées pour le développement de nouveaux médicaments.

>> Remerciements : Echosciences Grenoble tient à remercier Laurent Vercueil, médecin neurologue au CHU de Grenoble qui a contribué à cet article

>> Illustrations : Yasmina Saoudi (Inserm / Grenoble Institut des Neurosciences), epSos.de (Flickr, licence cc), Laurent Vercueil (CHU Grenoble), Antoine Depaulis (Grenoble Institut des Neurosciences)

>> La Fondation Française pour la Recherche sur Epilepsie soutient la recherche depuis plusieurs années.