Génie végétal : des trésors d’ingéniosité en écologie !
Publié par Freddy Rey, le 24 avril 2015 7k
Directeur de recherche en écologie ingénieriale et ingénierie écologique à Irstea et président de l’Association française pour le génie biologique ou génie végétal, Freddy nous présente son travail et l'intérêt du génie végétal appliqué notamment aux milieux érodés de montagne.
Le génie végétal, ou génie biologique, est un domaine d’action utilisant le végétal pour remédier à différentes problématiques d’ordres écologiques ou anthropiques. Il permet de traiter des problèmes liés à l’érosion et l’instabilité des sols, à leur pollution ou plus largement à leur dégradation. Le génie végétal relève du génie écologique au sens large, dans le sens où l’utilisation du végétal est un moyen efficace et respectueux de l’environnement permettant d’atteindre les objectifs fixés. On parle ainsi volontiers aujourd’hui de « Nature-based solution », traduit littéralement par « solution basée sur la connaissance et l’utilisation de la nature ».
Le « génie », qui correspond à la phase de réalisation d’ouvrages, suit les prescriptions des ingénieurs-conseils, qui relèvent du domaine de l’« ingénierie ». Ainsi, ceux qui construisent des ouvrages de génie végétal suivent les conseils des ingénieurs experts dans l’utilisation du végétal. Cette ingénierie du végétal fait partie intégrante de l’ingénierie écologique, dont on parle beaucoup aujourd’hui.
Parmi les domaines d’utilisation du génie végétal, la lutte contre l’érosion par des végétations herbacées et ligneuses représente aujourd’hui un défi majeur sur les espaces où se localisent des enjeux socio-économiques, aussi bien dans certains milieux semi-naturels (bassins versants torrentiels, berges de rivières) que dans les milieux fortement anthropisés (pistes de ski, talus, terrains agricoles, carrières). Parmi les différentes formes d’érosion, celle qui se produit au niveau des torrents et rivières torrentielle représente l’une des plus problématiques. Sévissant dans les bassins versants à fortes pentes où les écoulements sont temporaires, elle peut être responsable de dommages d’ordres social, économique et écologique. Pour y remédier, le génie végétal représente une solution intéressante et adaptée. Il s’applique aussi bien aux berges des rivières et des torrents, qu’aux versants et diverses pentes (voir photo ci-dessous).
Fascine de berge de rivière
L’innovation dans l’ingénierie du végétal et le génie végétal prend son inspiration principalement dans le domaine scientifique de l’écologie. Cette dernière est abordée sous différentes facettes : écologie végétale, écologie de la restauration ou encore écologie ingénieriale. Dans l’équipe « Protection, Ingénierie écologique, Restauration (PIER) » d’Irstea, au Centre de Grenoble, les activités de recherche sont réalisées dans le domaine de l’écologie appliquée aux milieux érodés de montagne, à l’interface avec le domaine des géosciences. Elles se concentrent sur trois types d’objets :
- les ouvrages de génie végétal, structures qui calment temporairement l’intensité des phénomènes hydrologiques et érosifs, permettant ainsi d’installer de la végétation sur des terrains érodés
- la végétation installée, amenée à se développer dans le temps et à prendre le relais des ouvrages dans le contrôle des phénomènes érosifs
- la végétation spontanée, en mesure de se développer sur les terrains stabilisés grâce aux ouvrages et à la végétation installée, dont elle va accroître encore l’action protectrice, voire aller jusqu’à se substituer à elle pour assurer seule la protection recherchée (voir photo ci-dessous).
Malgré la pente et la pauvreté d’un sol érodé, la végétation réussit parfois à s’installer spontanément (ici, du Pin noir)
Les objectifs des recherches sont de mieux comprendre l’influence de la végétation et des ouvrages de génie végétal sur l’érosion hydrique de surface dans les milieux érodés de montagne, en particulier dans les bassins versants torrentiels et sur les berges des rivières. Pour cela, on vise une meilleure connaissance de la structure, du fonctionnement et de l’évolution de milieux restaurés de montagne, à diverses échelles spatiales (de la plante à la métacommunauté, du versant au bassin versant) et aux différents stades du processus de restauration. Les recherches se concentrent sur l’étude de la dynamique des communautés végétales et sur son interaction avec la dynamique de l’érosion. L’une des finalités fortes est de déterminer les limites d’action de la végétation et des ouvrages de génie végétal dans la maîtrise de l’érosion, autrement dit d’identifier des seuils spatio-temporels de biorhexistasie (passage d’une dynamique érosive dominante à une dynamique végétale dominante).
Plus particulièrement, les axes de recherche développés actuellement, sous forme d’expérimentations et de retours d’expérience, portent sur les domaines suivants :
- Performance du matériel végétal (plants, boutures, semences) et des espèces végétales, notamment des saules, pour l’installation et le développement d’une couverture végétale sur des terrains érodés
- Résistance des ouvrages de génie végétal et de la végétation vis-à-vis des contraintes hydriques, sédimentologiques et gravitaires
- Dynamique végétale des espèces installées et spontanées sur des terrains stabilisés par génie végétal, et identification des apports (matière organique, géofilets…) et des facteurs (diversification végétale, climat…) favorisant ou limitant cette dynamique
- Efficacité des plantes, des communautés végétales et de la biodiversité sur le contrôle de l'érosion et de la sédimentation, la stabilisation des versants, des pentes et des berges de rivière, à diverses échelles géographiques.
Ces recherches répondent à des besoins opérationnels de lutte contre l’érosion dans les milieux de montagne. Outre leur rôle dans l’accroissement des connaissances, elles présentent donc un fort caractère finalisé et visent à développer des méthodes et des outils d’ingénierie et d’expertise pour le contrôle de l’érosion et la restauration des terrains érodés (voir guide ci-dessous).
Les résultats des recherches sont traduits sous forme de recommandations pour l’action, comme dans ce guide pratique publié aux Editions Quae
>> Pour aller plus loin :
- Lire l'article "Risques naturels : se protéger grâce à la nature" sur le site d'Irstea
- Découvrir le site de l'Association française pour le génie biologique ou génie végétal (AGéBio)
>> Crédits : Juan Galicia (Flickr, licence cc), Freddy Rey