Bionic Orchestra capté par des scientifiques

Publié par Ludovic Maggioni, le 13 mai 2013   3.8k

A l’invitation de l’Hexagone, Ludovic a rencontré l’équipe de Bionic Orchestra, ainsi que des chercheurs qui collaborent à son futur spectacle. L’occasion de découvrir un gant bizarre qui module les sons ! 

Bionic Orchestra est un orchestre d’un nouveau genre mêlant human beatbox (boîte à rythme humaine) et nouvelles technologies. Imaginé par Ezra (Vincent Chtaïbi), beatboxer avant-gardiste évoluant depuis des années en compagnie de  L.O.S (Laurent Duprat) au sein de projets pluridisciplinaires, cet OVNI musical est le fruit de trois ans de développement en compagnie d’un collectif d’ingénieurs des quatre coins de l’Europe.

Un extrait sonore réalisé par Ezra

Dans le cadre des résidences de l’Atelier Arts Sciences, Bionic Orchestra était invité début juillet 2012 pour une rencontre avec des chercheurs du CEA sur le plateau de l’Hexagone, scène nationale de Meylan. L’objectif de ces journées était d’expérimenter des modalités d’interaction entre la voix du beatboxer Ezra et le contrôle du son et de la lumière en vue de la création musicale, visuelle et interactive du spectacle Bionic Orchestra 2.0 qui aura lieu durant les prochaines Rencontres-i en 2013.

Bionic Orchestra est une création musicale, visuelle et interactive mêlant human beatbox et nouvelles technologies imaginée par un duo d’artistes : Ezra et L.O.S.

Les scientifiques grenoblois impliqués dans le projet travaillent sur les interactions entre les hommes et les machines. Leurs travaux visent à trouver de nouvelle manière de créer des ponts plus intuitifs, transparents… Pour cette rencontre, le choix des modes d’interactions s’est centré sur la capture de mouvement. Dominique David ingénieur au CEA/Leti et Laurent Jamet directeur de la société Isorg ont ainsi été sollicités.

L’Hexagone m’a invité à assister à la restitution de leurs quatre journées de travail à la fin de leur résidence. J’ai poussé la porte du théâtre, les sièges rouges étaient là bien entendu. Sur scène, je découvrais des tables, des câbles beaucoup de câbles, des claviers, des écrans… et derrière tous ces éléments technologiques, cinq êtres humains dont l’artiste Ezra, Thomas Pachoud, développeur des applications de vidéo, captation gestuelle et contrôle de la lumière, Cyril Laurier, coordinateur du développement informatique, Ivan Huta, développeur des applications de spatialisation (voir l'équipe) et Dominique l’ingénieur du CEA.

Une des mains d’Ezra était appareillée d’une sorte de gant d’où sortaient des fils, l’autre tenait un micro. Les sons de sa voix jaillissaient, puis ils étaient enregistrés et ensuite modulés avec sa main gantée instrumentée de capteurs. Gestes courts, précis, un peu comme un marionnettiste, des interactions dans un espace vide. Mon esprit s’interroge alors : suis-je en train de voir un spectacle musical ou une danse de la main d’Ezra où le son serait une matière qu’il pétrirait ?  Les repères étaient perturbés. Pari gagné donc !

Effectivement, un des enjeux artistiques de Bionic Orchestra est de réinterroger les schémas traditionnels d’un spectacle de musique et de créer une interactivité inédite avec le public, de réfléchir à une nouvelle ergonomie entre l’œuvre et le public. Jusqu'à présent, cela était réalisé avec un iPhone via l’application « Bionic Looper » développée par Arnaud Bannais, qui permettait en direct à plusieurs musiciens d’enregistrer du son, de créer des boucles, de les superposer et de les transformer, afin d’orchestrer la matière sonore. Le contrôle d’effets et des volumes en temps réel sur chaque piste offrait une infinité de modifications possible du son.

Développé pour différentes surfaces de contrôle (smartphones, manettes de jeux vidéo…), l’innovation de cette application tient dans sa mobilité (par rapport aux logiciels classiques), son ergonomie et son énorme potentiel créatif, sans pénaliser le jeu de scène. Mais l’utilisateur de l’application est dépendant d’un objet qu’il a dans ses mains. La capture de mouvement quand à elle permet de s’en affranchir et ouvre plus de liberté d’expression. Ezra a très vite compris ces nouvelles potentialités comme le rapporte Dominique David : «  quand on a mis les capteurs sur Ezra, il est immédiatement entré dans une utilisation expressive qui faisait du sens avec le geste ».

Interview de Dominique David, ingénieur au CEA / Leti

Au final, cette semaine a été très importante pour Ezra et toute l’équipe. Des portes se sont  ouvertes car comme il le remarque « la technologie oblige à une certaine gestuelle, elle devient un jeu, un jeu scénique ».

Interview d’Ezra (Vincent Chtaibi), beatboxer

Avant la fin de la rencontre, Dominique David évoque la possibilité de faire disparaitre le micro, mais au profit de quoi ? L’aventure se poursuivra donc au cours de nouvelles rencontres qui auront lieu fin 2012 avant le spectacle Bionic Orchestra 2.0 qui sera joué en octobre 2013, un rendez vous à noter dans vos agendas…

>> Illustrations : Zoé Forget (DR), Jérémie Charbaud pour l'Hexagone, Scène nationale de Meylan (DR)